Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Haazinou / Le coeur en choeur

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Moché va mourir ce jour. Nous sommes dans les derniers instants qu’il partage avec son peuple, après 40 ans d’une histoire d’amour et de leadership exceptionnelle. Quels mots peuvent être assez forts pour exprimer ce qu’il veut faire passer à ce moment-là? Qu’est-ce que le père, le maître, le juge, le roi, le visionnaire, l’infatigable défenseur, l’accoucheur et l’éducateur du peuple d’Israel livre en dernière instance? 

Nous voici donc à Haazinou, à l’avant-dernière Paracha de la Torah. Un seul chapitre, mais quel chapitre! Le Chapitre 32, Lev en hébreu, parce qu’il est le « coeur de la Torah, car l’existence de toute la Torah en dépend » nous enseigne le Rabbi de Loubavitch (Likouté Si’hot, Vol. XXIV, p.237).

La semaine dernière, Moché a conclu l’enseignement des 613 commandements, il a réitéré l’Alliance faite au Sinaï et engagé toutes les générations du peuple juif à en respecter les termes. A présent, c’est le coeur qui va parler. Le coeur d’un homme qui s’est annulé pendant des décennies et qui a voué sa vie à Hachem et à Son Peuple. Et ce qui sort des tréfonds de son âme, c’est la Chira, un chant, le Cantique de Haazinou. 

Haazinou, c’est bien sûr le fond et la forme. Ce Cantique apparait dans les Rouleaux de la Torah sous une forme différente que la prose habituelle, et comme le Cantique de la Mer Rouge, il est transcrit en colonnes. Son langage est poétique et son sens, particulièrement riche et profond. La Chira de Haazinou est si précieuse qu’elle est incluse dans le rituel de la prière. Maimonide évoque le fait que certains la récitaient chaque jour, et le Rabbi Yossef Its’hak de Loubavitch écrit dans ses Mémoires: « Il est une tradition reçue du Maharal de dire chaque jour avant la Prière le Cantique de Haazinou. Le Maharal le voit comme une Segoula pour se purifier l’esprit et le coeur. Selon le Maharal, les commerçants et artisans aussi devraient la réciter plusieurs fois par jour car c’est une Segoula pour la réussite. C’est pourquoi chacun devrait le connaître par coeur. De même, pour le Maharal, réciter Haazinou plusieurs fois par jour est une Segoula pour avoir une longue vie »…

On imagine bien qu’il n’est pas question ici d’une formule magique ou de croyances supersticieuses, et on comprend bien que c’est le contenu de cette Chira qui porte en lui toutes les vertus…

Alors, quelle est donc la quintessence du message que Moché veut laisser la postérité? Nahmanide résume tout: « Ce Cantique, qui est pour nous un témoin véritable et fidèle, nous décrit tous les événements qui nous arrivent (…) Ainsi que le disent les sages dans le Sifri (Haazinou 53), ce Cantique est grand car il contient le présent, le passé et le futur. Et il contient ce Monde-ci et le Monde à venir ». Nahmanide y voit une retrospective de l’histoire du monde, de l’humanité et plus spécifiquement du peuple d’Israël. Moché y rappelle les hauts et les bas de l’Histoire, et Nahmanide, déjà au XIIIème siècle, constate à quel point toutes les prophéties de Moché se sont déjà réalisées. 

Mais la force de cette Chira ne réside pas seulement dans sa puissance prophétique. Elle est aussi un leitmotiv qui va porter le peuple Juif tout le long de son Exil: « Ce Cantique ne mentionne aucune condition de Techouva et de Service Divin, mais c’est uniquement un contrat-témoin! » poursuit Nahmanide. Tout se réalisera, le peuple Juif faillira et sera décîmé, et D.ieu appliquera Sa punition « mais jamais il ne fera disparaître notre souvenir, et il punira les ennemis de son glaive implacable, grand et puissant, et il pardonnera nos fautes pour Son nom. Ansi, cette Chira, c’est la promesse de la Délivrance future, en dépit de ce que pensent les impies ». Même malgré nous…

Dans le Cantique de Haazinou, Moché nous rappelle que nous nous insérons dans une longue histoire, que nous en sommes les héritiers, les dépositaires et les transmetteurs; que nous allons sombrer au plus bas; mais que toujours et au-dessus de tout, il y a la promesse indéfectible que le Machiah viendra. 

Si Moché choisit le Chant pour faire passer ce message, c’est justement parce que le chant, ce n’est pas un texte écrit dans un livre qu’il nous faut ouvrir pour retrouver. Un chant, c’est une transmission orale, c’est quelque chose que l’on apprend par coeur, un outil pédagogique précieux. Le chant c’est ce qui reste quand on a oublié le texte. Nous sortons de Kippour où nous avons vibré au son des mélodies ancestrales de Kol Nidré, de Kel Nora Alila et de la Prière de Rabbi Amnon. Plus que les mots, c’est le chant qui nous porte à un état émotionnel et spirituel qui transcende nos limites… Et le Chant de Moché, c’est à l’ensemble de la communauté qu’il l’enseigne. C’est un chant choral… 

Car Moché entonne la Chira devant TOUTE l’assemblée: 

« Et maintenant, écrivez pour vous ce cantique, qu’on l’enseigne aux enfants d’Israël et qu’on le mette dans leur bouche, afin que ce cantique me serve de témoignage à l’encontre des enfants d’Israël. » (Devarim XXXI, 19)

Ce Cantique, on doit le leur enseigner comme un chef de choeur, pour que chacun connaisse son chant propre et prenne sa part dans la grande mélodie qu’est le chant de notre destin… 

Il y a quelques mois, une initiative israélienne, Koolulam a réuni dans un moment exceptionnel des survivants de la Shoah et leurs descendants pour leur faire chanter en choeur : « Vivant, vivant est le peuple d’Israel, C’est le chant que Grand-Père chantait à Papa, et aujourd’hui, c’est moi qui le chante ». Tout est là; des visages ridés, des enfants protecteurs, des regards d’amour, des larmes qui pointent et des sourires pour les cacher; l’Histoire du peuple juif, sa souffrance, son espoir. Le passé, le futur. Une reprise du slogan intergenerationnel que Moché à initié juste avant de nous quitter.  

Dans son genie, et avec tout l’amour qu’il porte à son peuple, le Maître éternel d’Israel nous livre en Haazinou un message qui nous porte quotidiennement, dans la prière comme dans le business, dans les moments d’exception comme dans la vie quotidienne et qui nous transporte jusqu’à la venue du Machia’h…

Il s’imposait donc à Moché que le coeur de son message, pour qu’il pénètre le coeur des Enfants d’Israel, soit connu par coeur et chanté en choeur… Et c’est ce chant que nous nous devons d’apprendre à nos enfants…

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Sarah Weizman

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