Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Nitsavim / C’est quoi l’histoire de Roch Hachana?

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Vous connaissez les questions philosophiques que les enfants posent aux moments les plus incongrus? Et cette confusion dans laquelle cela nous plonge, ces quelques instants pendant lesquels on se demande s’il faut les rabrouer pour avoir osé poser une question à laquelle nous n’avons pas la réponse (ou pas le temps d’y répondre), ou si on doit se cacher de ne pas être assez intelligent pour tout savoir? Ben voilà, c’est l’état dans lequel je suis aujourd’hui, depuis que ma fille de 9 ans, au réveil, m’a demandé: « Maman, c’est quoi l’histoire de Roch Hachana? » Evidement, en mode automatique, j’ai répondu: « c’est la Nouvelle Année » (mais non, le Nouvel An, c’est la fête et les feux d’artifices et le foie gras et le champagne, alors cette réponse est un peu bancale!) , et elle: « Non, c’est quoi l’histoire? Tu sais à Pessa’h c’est l’histoire de la Sortie d’Egypte, à Chavouot, on a reçu la Torah, mais à Roch Hachana, qu’est ce qui s’est passé? C’est quoi l’histoire?! » Bon, je m’en suis sortie avec une pirouette pas très honnête, du style: « Habille-toi vite, tu vas être en retard »… Mais je sais que je suis en sursis, parce qu’elle va revenir à la charge, Roch Hachana étant Le sujet du week-end…

En fait, elle a raison: quelle est l’histoire de Roch Hachana? Pourquoi est-ce le jour du jugement? Et d’abord, d’où le savons-nous? Dans la Torah, Roch Hachana est présenté comme « le jour de la sonnerie du Chofar », et il n’est pas évoqué la notion de jugement! Alors à Pessa’h, on mange des Matsot en souvenir des Matsot que nos ancêtres ont mangées, à Pourim on célèbre le miracle de la survie du peuple juif, mais à Roch Hachana, quel jugement célébrons-nous? 

Comme il n’y a pas de hasard, j’ai entendu hier un cours de l’excellent Rav Chnéor Ashkenazi qui lui-aussi s’interroge sur cela… Et cite la réponse de Rabbénou Nissim (un des principaux commentateurs du Talmud qui vivait à Gérone au XIVème siècle) sur la Michna au Traité Roch Hachana: nous sommes jugés à Roch Hachana parce que le 1er Tichri est le jour où le premier homme fut créé, et ce même jour, il a fauté et a été jugé, et surtout, jugé avec miséricorde.  D.ieu l’avait averti que le jour où il consommerait du fruit de l’Arbre de la Connaissance, il mourrait…. Mais au moment de le condamner, Il a interprété la Loi avec bonté: le jour divin, c’est comme un millénaire, nous dit le Psaume. Alors Adam mourra bien ce jour… mais au bout de 930 ans… 

S’il faut donc qu’il y ait un jour de Jugement dans le calendrier, il est juste qu’il se tienne à une date où un précédent historique l’a révélé comme propice à un jugement miséricordieux, et ce jour, c’est le 1er Tichri…

La Paracha de cette semaine, Nitsavim, se lit toujours le Chabat qui précède Roch Hachana. Et c’est toujours bouleversant de voir à quel point elle nous parle, à ce moment précis de l’année, de ce qui se joue en nous…

A la veille du jugement de Roch Hachana, on peut être saisi d’effroi. Comment se préparer au moment où tout va se jouer? Et on est d’autant plus perdu que la solennité du moment n’empêche pas la festivité du Nouvel An, si bien que dans ma To-Do List, j’ai peut être noté de penser à faire Techouva, à prier, et à donner de la Tsedaka, mais c’est au milieu du miel et de la tête de poisson à acheter, des poireaux et des grenades, et tout ça en même temps que le protège-cahier marron glacé que la maîtresse de ma fille attend depuis la rentrée scolaire et qui est en rupture nationale! 

Alors Nitsavim, dans la continuité du discours-fleuve de Moché avant de se séparer de son peuple, nous dit: « Vous vous tenez tous aujourd’hui debout devant Hachem votre  D.ieu! » 

Après les avertissements et les malédictions de la Paracha Ki Tavo, le peuple d’Israel est accablé et effrayé. Avec Nitsavim, Moché va lui insuffler la force, l’énergie et l’espoir qui le maintiendront tout au long de l’Histoire, et jusqu’aujourd’hui. 

D’abord, Moché leur dit de se ressaisir: pour le Rav Chlomo Yossef Zevin zl’, rédacteur de L’Encyclopédie Talmudique, et reprenant de nombreux commentateurs, le premier verset parle aussi de Roch Hachana: Hayom, aujourd’hui, c’est le Jour du Jugement. Et le mot Nitsavim appelle à se tenir la tête haute, bien droit. Il arrive que nous soyons accablés et courbés, que notre nature d’Homme qui a été créé avec une idée de verticalité, la tête étant au-dessus du corps, se trouve rabaissée au niveau du corps, comme les animaux… Mais Roch Hachana, c’est la tête de l’année, c’est l’anniversaire de la création de l’Homme avec sa dimension supérieure, avec la tête en haut: quand l’accusateur fourbit ses armes en vue du jugement, Nitsavim à la veille de Roch Hachana nous engage à nous préparer ravalant l’animalité qui est en nous… 

Cette idée me parle beaucoup mais elle reste quand même abstraite. D’où une solution pratique, évoquée par le Rav Chochana dans un cours cette semaine. Si nous sommes jugés sur le passé uniquement, il y a forcément une fatalité à l’issu du jugement. Mais Roch Hachana n’est pas une Haute Cour de Justice. Roch Hachana, c’est la tête (Roch), l’âme du temps, le moment où tout se décide. Et le moment où nous aussi nous décidons. « L’ensemble suit la tête » (Pirké deRabbi Eliezer). Même plus, Chana est à rapprocher de Chinouy, qui signifie « changement ». A Roch Hachana, D.ieu va nous juger sur nos intentions, nos décisions, sur le changement que nous opérons dans notre tête. Alors à Nitsavim, le changement, c’est maintenant!

Et en matière de changement, notre Paracha ne lésine pas sur la liberté et la force du choix: « Regarde, j’ai donné devant toi aujourd’hui la vie et le bien, la mort et le mal, (…) Je prends à témoins contre vous aujourd’hui le ciel et la terre, la vie et la mort j’ai donné devant toi, la bénédiction et la malédiction, tu choisiras la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance » (Devarim XXX, 15-19)

Ce passage sur la sacralité du libre-arbitre et la question du choix, on devrait presque le connaître par coeur. C’est un des principes fondamentaux du judaïsme. Je relisais récemment un ouvrage de Tal Ben Shahar, (professeur de psychologie positive à Harvard), Choisir sa vie, qui pose comme premier principe pour saisir sa chance « Choisir de choisir »,ou encore décider de décider: parfois, devant le stress et la difficulté de la vie moderne, on peut être tenté de se laisser porter par le courant et de « vivre sa vie ». Mais cela peut avoir pour effet de nous empêcher de profiter de la vie. Parce que quand cela devient un « permis de ne pas choisir, on se retrouve enchaîné dans les choix d’autrui  par le seul fait de conserver la même attitude, de se montrer passif  (…) Il faut avant tout choisir de choisir – tel est le choix fondamental qui sous-tend tous les autres. ». On ne pourra rien faire bouger dans notre vie tant qu’on n’aura pas fait ce choix originel!

Voilà donc, comme préalable à tout ce qui va se dérouler cette année, comme le fait d’être Nitsavim, debout, la tête en haut, le centre de décision au-dessus des pulsions animales est ce qui va déterminer le jugement divin. Tout se passe dans la tête et à la tête. Et c’est sur ça qu’on est jugés. 

Alors, c’est quoi l’histoire de Roch Hachana? C’est l’histoire de l’Homme, c’est la miséricorde de D.ieu, c’est le choix du choix. C’est une manière de se tenir et de tenir la route… 

Allez expliquer ça à un enfant de 9 ans!

En attendant, je nous souhaite une bonne et douce année! Comme l’a souhaité une année le Rabbi de Loubavitch, bonne, elle le sera, puisque tout ce que D.ieu fait est bon.  Et douce, parce que nous prions pour que ce Bien nous soit concrètement et uniquement doux!  

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Sarah Weizman

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