Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Pessa’h au Camp de Gurs, 1941

P

Sur une idée de Claire Stanislawski Birencwajg

Il y a quelques mois on a commémoré les 75 ans de la libération d’Auschwitz et au cours de discussions sur les cérémonies qui ont marqué cet événement, nous avons été amenés à réfléchir sur la mémoire et surtout, sur sa transmission envers les générations qui n’auront plus de témoins pour leur raconter ce qu’ils auront vécu… Une problématique que le Peuple Juif a résolu à sa manière en réussissant à maintenir génialement vivace la mémoire de son Histoire… L’illustration la plus puissante de cette transmission se joue autour de la Table du Seder dont l’enjeu est de faire vivre la Sortie d’Egypte à chacun comme s’il l’expérimentait précisément à ce moment…

Claire Stanislawski Birencwajg, une amie qui participe à notre cours du Chabbat et qui est Docteur en Histoire, a alors porté à ma connaissance un fait de résistance spirituelle pendant la Seconde Guerre Mondiale que j’ignorais. Vous pourrez lire dans les lignes qui suivent son exposé sur la Haggada du Camps de Gurs. Pour la petite histoire, le Rabbin Léo Ansbacher se trouve être l’oncle de ma tante, et cela, je l’ai découvert à la suite de ce récit… On a malheureusement évoqué son nom il y a un peu plus d’un an, quand son arrière-petite-fille, Ori Ansbacher, a été assassinée par un palestinien dans une forêt de Jérusalem…

Le rabbin Léo Ansbacher au camp de Gurs, 1941-42.

Voici donc les notes de Claire Stanislawski Birencwajg:

« Après l’armistice, le Grand Rabbin de France Isaïe Schwartz suggère d’affecter les aumôniers israélites aux camps du sud de la France. L’Aumônerie générale des Israélites est officiellement créée en mars 1942 par le Consistoire (pour éviter de voir ses rabbins aumôniers passer sous l’autorité de l’UGIF), mais ses rabbins interviennent dans les camps du sud de la France dès l’été 1940. Les premiers buts de l’Aumônerie sont de permettre une vie spirituelle juive et d’assurer les pratiques religieuses. Six aumôniers régionaux travaillent sous l’autorité de l’aumônier général, le rabbin René Hirschler. Ils sont secondés par des aumôniers auxiliaires.
Dans chaque camp, ce sont ces aumôniers auxiliaires, souvent des rabbins étrangers, eux-mêmes internés, qui prennent la direction des affaires religieuses. Gurs est l’un de ces grands camps d’internement administratif. Ouvert en avril 1939, il accueille d’abord les réfugiés espagnols, puis dès octobre 1940, 6 500 juifs allemands expulsés du Pays de Bade, de Palatinat
et de Sarre avec l’opération Bürckel (d’août 1942 à mars 1943, 6 convois déportent 3907 juifs de Gurs pour Drancy, puis Auschwitz. Le camp est
dissous le 1er novembre 1943).

Une dizaine de rabbins sont passés par ce camp dont Léo Ansbacher. Le début de la vie religieuse dans le camp débute dès le mois d’octobre 1940. Les services sont assurés dans un espace particulier à l’intérieur d’une baraque. Des études sont organisées dans le camp, coordonnées par l’équipe de Léo Ansbacher. Les Shabbatot et les Yom Tov sont célébrés. Des
circoncisions (une dizaine) et des mariages le sont également. Une Hévra Kadisha est instaurée. Le problème principal est celui du respect de la casheroute.

Une réédition de la Haggada de Gurs


Pour Pessah 1941, le rabbin Kapel fait livrer au camp : « 10 000 kilos de matzoth, de pain azyme, (…) des barriques de vin kacher ou rituel, permettant à cette communauté persécutée et cernée de toutes parts par des barbelés, de célébrer dans la joie et conformément aux traditions la fête de la délivrance et de la liberté. A cette occasion, je fis polycopier à Toulouse en plusieurs milliers d’exemplaires la Haggadah (…), et la fis distribuer à Gurs » (René Kapel, « J’étais aumônier dans les camps du Sud-ouest de la France (1940-42) », Le Monde juif, n° 87).

Cette Haggadah avait été écrite à la main, de mémoire, par Aryeh Ludwig Zuckerman, alors interné dans le camp. Ce travail avait été fait sous la direction du rabbin Leo Yehuda Ansbacher, lui-même déporté de Bruxelles à Saint-Cyprien, puis à Gurs en 1940.

Malgré le dur travail d’Aryeh Zuckerman, la Haggadah n’était pas terminée à l’approche des fêtes (il s’agit de cinq pages recto verso écrites à la main en caractères hébraïques carrés). Ils ont alors décidé de taper à la machine les poèmes et les chansons, qu’ils souhaitaient ajouter, avec des lettres latines sur un feuillet séparé. Le rabbin Kappel emmena ensuite cette Haggadah à Toulouse pour en faire des copies pour les internés. Ces copies furent distribuées et un Seder fut célébré.

La Haggada du camps de Gurs, site de Yad Vashem
L’illustration représente la Drasha du Rabbin Ansbacher, Pessa’h 1941

Le dernier jour de la fête, les internés furent autorisés à faire un office conduit par le rabbin Léo Ansbacher à l’extérieur, sur l’ancien terrain de sport désaffecté. Les rabbins du camp avaient également affiché dans le camp la liste des aliments interdits à Pessah.

Pour Pessah de l’année 1942, sur décision préfectorale, « les hébergés Israélites sont dispensés de tout travail pendant toute la durée de la Pâque juive, sauf pour les nécessités du service».

Des sedarim sont organisés dans les îlots. »

La Haggada du camps de Gurs, site de Yad Vashem.

Cliquez ici pour voir la Haggada sur le site de Yad Vashem

Le site web sur le Camp de Gurs

A propos...

Sarah Weizman

3 commentaire(s)

  • Ç n’est magnifique mais mais j’ai mis plus que cinq minutes pour lire et comprendre la richesse de ce texte alors je comprends pas Pourquoi il est écrit cinq minutes de temps de lecture…

    Voilà voilà ☺️

  • Bravo pour ce travail de recherche et de compilation. La mémoire c est ce qu il reste quand on a tout perdu . La transmission c est un devoir transgénerationnelle.
    On ne les oublie pas.
    On n oubliera PAS.

Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Articles récents

Commentaires récents

Archives

Catégories

Méta