Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

A quoi penser pendant le Choffar?

A

A quoi devons-nous penser pendant qu’on écoute le Choffar? 

Cette question, nous nous la posons tous les ans, le plus souvent au moment même où nous sommes à la synagogue et où le Baal Tokéa (le sonneur) entame les séries des sonneries du Choffar…

Parce que Choffar nous touche. Il nous émeut instantanément; et tout de suite, il provoque un bouleversement en nous. Mais que faire de cette émotion, de cette ferveur? Vers quoi la diriger? 

Alors bien évidement, nous avons beaucoup de demandes à adresser à D.ieu et les prières se bousculent dans nos têtes… 

Cette année, j’ai eu l’occasion de donner un cours de préparation à la prière de Roch Hachana, et c’est une question sur laquelle nous sommes revenues: à quoi penser pendant le Choffar? A nos demandes personnelles? Mais est-ce le moment pour le faire? A quelles réflexions et intentions le Choffar est-il censé nous inviter? 

Je vous le dis d’emblée, à la fin de ces lignes, vous n’aurez pas de réponse claire. Peut-être quelques pistes et quelques indices… 

Mais ça ne nous empêche pas de nous y consacrer quelques minutes… Parce que même si Roch Hachana, c’est la fête, la belle table, le Seder et la pomme trempée dans le miel, l’essentiel de ce jour, nous dit la Michna au traîté Roch Hachana (XXVI, 2), c’est le Choffar. C’est LA mitsva du jour, en vertu du verset de Bamidbar: « Au septième mois, le premier jour du mois, il y aura pour vous convocation sainte: vous ne ferez aucune œuvre servile. Ce sera pour vous le jour du son du Choffar » (XXIX, 1). 

Ce qui signifie que si l’on veut saisir l’essence de Roch Hachana, il nous faut vivre et comprendre l’acte essentiel de ce jour : écouter le Choffar. 

Rav Saadia Gaon au IXème siècle répertorie 10 raisons pour lesquelles nous sonnons le Choffar à Roch Hachana:

  • un hommage au Roi du monde au jour anniversaire de la création,
  • un avertissement que les 10 jours de Pénitence ont commencé,
  • la sonnerie du Choffar sur le Mont Sinaï au moment du Don de la Torah,
  • les enseignements des Prophètes qui sont comme des appels du Choffar,
  • le son de la guerre et des batailles qui ont mené à la destruction du Temple,
  • la Corne de Bélier du Sacrifice d’Its’hak,
  • un son qui suscite la crainte et l’humilité devant D.ieu,
  • une annonce du Grand Jour du Jugement,
  • le son de la Grande Trompette au moment du Rassemblement des Exilés,
  • et le son du Choffar qui retentira au moment de la Résurrection des morts. 

Chacune de ces 10 raisons mériterait que l’on s’y attarde longuement, mais si je les évoque ici, c’est pour en avoir un aperçu et surtout constater que le son du Choffar est comme un signal qui nous fait voyager dans le temps et dans l’espace, où l’histoire du monde se mêle à l’histoire d’Israel et à la projection vers les temps messianique pendant que chacun, individuellement, est interpellé sur sa vie, sur son parcours personnel, et sur l’état de son évolution au moment même où il entend le Choffar. 

J’ai découvert il y a quelques jours un enregistrement d’un concert de ‘Hazanout assez incroyable, avec un Avinou Malkénou traditionnel joué par « L’ensemble Israélien Youval » avec en soliste, un sonneur de Choffar exceptionnel… On connait le Choffar pour son usage synagogual et rituel, et on en tire généralement des sons simples et clairs. Dans cette orchestration, le Choffar joue le premier rôle. Je l’ai faite écouter à des personnes qui l’ont trouvée angoissante. Mais c’est, à mon sens, une exécution magistrale qui fait dire au Choffar beaucoup des messages évoqués par nos Sages: il y a, par moment, le son animal, primaire. L’émotion, la joie, la peur, l’angoisse. La fanfare, comme un cor ou une trompette. Une lenteur et une puissance. Une grande présence et une interpellation de l’auditeur. Ça ne laisse pas indifférent… 

Le professeur Leah Fostick, Docteure en psychologie expérimentale, dirige un laboratoire de recherche sur les troubles de la communication à l’Université d’Ariel. Elle a décidé cet été de mener une enquête scientifique sur les émotions suscitées par les diverses sonneries du Choffar.

Il existe trois principaux types de sons: Tekia, Chevarim et Teroua. Un quatrième type, Tekia Guedola, est une version plus longue de la Tekia.

On interprète la Tekia comme une sorte d’appel ou comme le son du couronnement d’un roi, nous appelant ainsi à réaffirmer la souveraineté de D.ieu. Le son Chevarim, qui a été comparé au son des pleurs, est composé de trois sons brisés, tandis que le Teroua est composé de neuf notes rapides et staccato qui ressemblent à une alerte urgente, nous appelant à nous réveiller de notre sommeil spirituel.

Les participants ont été confrontés à un écran d’ordinateur auquel des écouteurs étaient attachés et ont entendu les trois types de sons du Choffar, et ils devaient choisir les mots qui traduisaient ce qu’ils ressentaient. Après chaque série de sons, ils devaient effectuer diverses tâches cognitives pour brouiller l’impression émotionnelle créée par chaque sonnerie.

Le Pr Fostick conclut de son étude que tous les participants – y compris les juifs laïcs – ressentaient des émotions à l’écoute des sons provenant  du Choffar. 

L’étude a donc montré que la Tekia appelait l’excitation, la peur, l’anxiété, une lourdeur dans le cœur, l’attente et la crainte. Chevarim évoquait la peur, l’anxiété et la lourdeur dans le cœur, tandis que la Teroua avait tendance à susciter l’excitation, l’enthousiasme, l’agitation, l’anticipation, la joie et l’étonnement.

Pour la Tekia, les hommes comme les femmes signalaient des sentiments de peur, mais les femmes décrivaient aussi de l’excitation, de l’anxiété et de la lourdeur dans le cœur, tandis que les hommes décrivaient des sentiments de vigilance, d’espoir et de crainte. Il y avait aussi quelques différences entre laïcs et religieux; les deux groupes ont décrit des sentiments de peur et d’anxiété, mais les participants laïcs ont ajouté des sentiments d’attente et de vigilance par rapport aux religieux qui ont ajouté des sentiments de lourdeur dans leur cœur et de crainte.

Les trois types de sons ont déclenché chez tous les participants un sentiment de vigilance, d’éveil, a-t-elle déclaré.

D’aucuns appelleraient ça un appel à la Techouva; mais ça ne fait certainement pas très universitaire!

Le Choffar évoque donc tant de symboliques différentes… Mais elles se résument à trois grands thèmes qui seront ensuite développés dans la prière de Moussaf qui se découpe en trois parties, rythmées par, là encore, des sonneries du Choffar: les Mal’houyot ou le couronnement de D.ieu comme Roi de l’Univers par le peuple d’Israel, les Zi’hronot ou, l’activation par nous du souvenir et des mérites de nos ancêtres et de l’Alliance qui nous lie à D.ieu, précisément au moment où le livre du Souvenir est ouvert devant D.ieu et qu’Il nous juge; et les Choffarot, où nous rappelons que le son du Choffar est celui de l’histoire du peuple d’Israel, qu’il l’accompagne depuis sa naissance et jusqu’à la venue du Machia’h. 

Le Talmud, au traîté Roch Hachana, insiste bien sur l’enchaînement de ces 3 étapes, et précisément dans cet ordre. Ce qui nous conduit à dire qu’à l’origine de tout, il y a le couronnement de D.ieu comme Roi du monde. On sonne la fanfare pour proclamer Sa royauté. Tout le reste en découle. Reconnaître, en ce jour anniversaire de la Création de l’homme, que c’est D.ieu qui a créé le monde, et que c’est Lui qui le dirige pose le cadre de notre dépendance à Lui et nous permet d’évoquer Sa miséricorde dans le Jugement et sa prodigalité pour tous nos besoins, qu’ils soient matériels ou spirituels… D’où le nom ‘hassidique de Roch Hachana, Yom Haha’htara, le Jour du Couronnement… 

Ce qui résulte aussi de cette proclamation, c’est la constatation de notre petitesse par rapport au Tout-Puissant. Et le Choffar touche à un point intime qui nous bouleverse, qui nous remet en question… Ce trouble qui peut aller jusqu’à une certaine frayeur, c’est le déclencheur de la Techouva, du Retour à D.ieu. C’est ce que dit le Prophète Amos: « Sonnera-t-on du Choffar dans une ville sans que le peuple ne tremble? » 

Cela étant posé, à quoi devons nous penser pendant le Choffar? 

Il y a bien sûr de nombreuses Kavanot, des méditations mystiques, qui sont décrites par les élèves du Ari Zal, et notamment, par le Rabbi ‘Haim vital dans le Peri Etz Haïm. Dans le Tanya (Igueret Hakodech, Chap. XIV) , Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi explique ainsi que chaque année, une nouvelle Lumière descend dans le monde, une Lumière supérieure à l’année précédente. Et la Lumière de l’année qui finit disparait et retourne à sa source la veille de Roch Hachana… Ce qui fait qu’il y a un moment de flottement durant lequel la vitalité du monde est suspendue jusqu’à ce que soit attirée la Lumière de la nouvelle année, précisément grâce aux prières de Roch Hachana et au Choffar. 

Cependant, dans son Siddour, le Baal Hatanya occulte un peu toutes ces intentions mystiques au moment de la sonnerie du Choffar; il insiste plutôt sur la nécessité et l’importance de se préparer à écouter le Choffar. Alors comment s’y préparer? 

Il n’y a certainement pas une réponse universelle, mais j’aimerais partager avec vous une célèbre histoire du Baal Cham Tov qui donne une jolie réponse à cette question. 

Une fois, le Baal Chem Tov demanda à son élève, R’ Zeev Kitzis, de se préparer et d’étudier toutes les Kavanot, les intentions et les pensées qu’il faut avoir au moment de sonner le Choffar car c’est à lui qu’il confiait cette noble tâche pour Roch Hachana.  R’ Zeev les étudia donc et décida même de les mettre par écrit sur un papier pour pouvoir les regarder au moment des sonneries.  On ne sait comment,  ce papier disparut, et au moment de sonner le Choffar, R’ Zeev le cherchant partout, fut pris de panique et de tristesse… C’est en sanglotant qu’il effectua le rituel de la sonnerie, incapable de se souvenir de toutes les intentions qu’il aurait dû avoir… 

Après le Choffar, le Baal Chem Tov lui dit: « Le palais du roi dispose de nombreuses salles, et chaque chambre et chaque salle nécessite une clé spéciale et différente. Mais il y a un objet qui est aussi puissant que toutes les clés réunies: le passe-partout. Avec cela, vous pouvez ouvrir toutes les serrures de toutes les barrières.

Les Kavanot sont des clés. Chaque porte et chaque ouverture nécessite une Kavana, une intention particulière; mais la clé universelle, celle qui ouvre toutes les portes, c’est un coeur brisé; quand on brise véritablement son coeur devant D.ieu, on peut pénétrer dans toutes les pièces du palais du Roi des rois, le Saint-béni-soit-Il…! »

« Il n’y a rien de plus parfait qu’un coeur brisé » dit le Rabbi de Kotsk. Et Rabbi Nahman de Breslev fait la distinction entre un coeur triste et un coeur brisé. Un coeur brisé, ce n’est pas un sentiment de tristesse qui nous étreint et qui peut nous pousser dans le désespoir et la dépression… Mais c’est le moment de vérité de notre cœur à ce moment-là, la conscience de nos infinies lacunes en même temps que de l’immense potentiel inhérent à chacun de nous.

Un cœur brisé est source de désir, de volonté…  Il porte une promesse joyeuse. La puissance de ce moment de vérité est telle que ce ne peut être un état de conscience permanent. Mais le moment du Choffar y est certainement le plus propice d’entre tous… 

C’est pourquoi, nous dit le Baal Hatanya, ce qui importe, c’est la préparation avant d’écouter le Choffar. Une préparation qui est introspection, qui est lecture de Tehillim, qui est prière. C’est aussi la raison pour laquelle on attend pour sonner le Choffar, d’avoir déjà fini la première prière du matin, comme une étape préparatoire qui nous fait prendre conscience de tous les aspects que l’intensité du Choffar dégagera… 

Pour répondre à la question que nous nous sommes posée au début, j’ai consulté quelques rabbins de ma connaissance… A quoi doit-on penser pendant le Choffar? Voici quelques unes de leurs réponses… Evidemment, ce serait trop facile s’il n’y en avait qu’une! Mais vous allez voir, elles se rejoignent et se complètent:

  • Rien ne doit sortir de la bouche, même à voix basse, pendant ou même entre les sonneries
  • Penser que l’on s’acquitte de la Mitsva de la Torah d’écouter le Choffar
  • Penser que l’on couronne D.ieu comme Roi du monde et qu’on accepte Sa souveraineté
  • Penser que l’on demande à D.ieu de nous juger, grâce au Choffar, qui rappelle le souvenir du Sacrifice d’Its’hak, avec miséricorde.
  • Prendre sur soi de faire Techouva
  • Penser à renvoyer tous les « accusateurs », les mekatreguin du jugement
  • Souhaiter la venue du Machia’h avec le Rassemblement des Exilés et la Résurrection des Morts

Pour ce qui est de toutes les demandes personnelles, et elles sont nombreuses, nous pouvons les formuler juste avant ou juste après  la sonnerie du Choffar, pendant l’ouverture du Heikhal, de l’Arche Sainte, pendant le « Et Chaaré Ratson », pendant la Amida (la prière à voix basse ) et à la fin de la Amida, et avec les Tehillim, les Psaumes qu’on lit toute la journée de Roch Hachana… 

Que nous soyons tous inscrits et scellés dans le Livre de la vie!

Chana Tova Oumetouka!

Pour la Refoua Chelema de ‘Halifa Avigdor ben Esther.

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Sarah Weizman

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