Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Matot-Massé / Les leçons du désert…

M

Aujourd’hui, Roch Hodech Av est le jour de la disparition d’Aharon Hacohen. Et ce n’est pas un hasard si c’est précisément dans notre Paracha Massé que le texte nous donne la date de son décès :

« Aaron, le pontife, monta sur cette montagne par ordre de l’Éternel, et y mourut. C’était la quarantième année du départ des Israélites du pays d’Egypte, le premier jour du cinquième mois. (…) 

C’est alors que le Cananéen, roi d’Arad, qui habitait au midi du pays de Canaan, apprit l’arrivée des enfants d’Israël. (Bamidbar XXXIII, 38-40) »

Et Rashi :  « D’où l’on apprend que la nouvelle [qu’il a entendue] était la mort de Aharon. Car les nuées de gloire ont alors disparu et il croyait qu’il lui était désormais loisible d’attaquer Israël. Voilà pourquoi le texte revient sur le sujet (Roch hachana 3a). »

A la veille de rentrer en Terre d’Israël, le peuple doit donc se préparer à la vraie vie, une vie dans laquelle il ne sera plus protégé par des miracles permanents mais où la protection divine s’habillera dans la nature. 

Avec Matot et Massé se clôt Bamidbar. Un livre qui nous a fait parcourir 40 ans dans le désert, ponctué par des drames et des tiraillements. Mais aussi l’éducation d’une nation qui se débarasse de ses atavismes d’esclaves…

Nos deux Parachiot nous proposent de tirer les leçons de cette période. Elles nous donnent les clés pour une vie libre et responsable et surtout, pour que cela dure. 

En vérité, vous verrez que ces principes n’ont pas pris une ride…

La société qui va se construire en Terre d’Israël doit prendre conscience de la puissance des mots. La Paracha Matot s’ouvre sur les lois concernant les vœux et les promesses :

« Si un homme fait un vœu à D.ieu, ou s’impose, par un serment, quelque interdiction à lui-même, il ne peut violer sa parole: tout ce qu’a proféré sa bouche, il doit l’accomplir ».(Bamidbar XXX, 3)

Pour la Torah, tout engagement doit être tenu. La parole engage et oblige, que ce soit envers soi-même, envers autrui ou envers D.ieu. Rashi va même plus loin : « Il ne profanera pas sa parole Il ne fera pas de ses paroles quelque chose de profane (Sifri). »

En reprenant le terme du verset, « lo ya’hel devaro », les Sages le rapprochent du mot  « ‘hol » : profane. Dans le judaïsme, la parole est sainte, et se dédire, c’est la profaner. 

C’est une des leçons des 40 ans dans le désert, Midbar qui se lit aussi Medaber, le parlant. On y a appris l’art de la parole de Jacob, de l’étude, et aussi le poids des mots. On a expérimenté la manipulation par la parole des explorateurs, la démagogie de Kora’h. On a vu comment D.ieu fait la démonstration de l’avènement de l’ère de la parole après celle de l’action miraculeuse lorsqu’Il punit Moché pour avoir frappé le rocher alors qu’il ne fallait plus que lui parler… 

La sacralité de la parole , D.ieu la place au cœur de l’expérience humaine ; c’est même la specificité de l’Homme sur l’animal. Parce qu’à l’instar de la Parole divine qui crée le monde, la parole de l’homme crée une réalité. Pour la Torah, lorsqu’on fait une promesse, on ne peut l’annuler seul. Pour défaire un vœu, il y a des lois très précises. Le respect de la parole dite est si important qu’à l’entrée de Yom Kippour, avant même d’envisager un quelconque pardon pour nos fautes, nous proclamons dans Kol Nidré que tous nos vœux sont annulés… 

Le Rabbin Jonathan Sacks voit dans le rappel de ces lois un principe de base sur lequel va pouvoir reposer l’établissement des enfants d’Israel sur leur Terre : « le principe de la sacralité de la parole est le code de la liberté collective, la charte de la liberté ». Il existe plusieurs manières de faire régner la loi dans une société. Ce peut être des rapports de crainte et de force, qui débouchent sur des dictatures. Ou alors une société dans laquelle prime la recherche de l’intérêt personnel, et alors l’individualisme s’impose et la justice et l’équité s’effacent… La voie de la Torah, c’est celle de l’engagement mutuel dans lequel tous les membres de la société s’obligent les uns envers les autres. Et le respect de la parole donnée est la clé de voûte de la construction sociale voulue par le judaïsme. Si on ne tient pas sa parole, tout s’effondre puisqu’on tue la relation de confiance et alors s’installe la suspiscion et l’insécurité. 

On pense bien sûr aux promesses des hommes politiques dont elles n’engagent que ceux qui y croient, comme disait Jacques Chirac… Mais tous, il nous arrive d’avoir un usage galvaudé de la parole. D’abord envers soi :on se fait des promesse, on s’interdit des choses. On se dit « jamais plus » ceci et « toujours cela ». Sous le coup de l’enthousiasme ou de la colère, on prend toutes sortes d’engagements. Et quand on se rend compte qu’on n’a pas été fidèle à notre serment, on perd confiance en nous-même, et on décide de ne plus rien décider… C’est la raison pour laquelle, quand on prend une résolution, on se dit toujours : « bli neder » ; c’est un engagement qui n’est pas un vœu mais qu’on va faire de notre mieux pour le réaliser… 

Ensuite envers autrui : pour ne pas vexer, pour ne pas avoir à dire non, pour avoir l’air gentil, pour ne pas faire face à la déception de ses amis, ses employés, son conjoint, son enfant, on promet des choses qu’on ne pourra pas tenir. Mais ce faisant, on crée une attente chez l’autre et il se projette dans une réalité qui n’aura aucune chance de se réaliser. Et on devra payer encore plus cher le fait de ne pas avoir tenu sa parole, parce que la relation de confiance aura été sapée à sa base…

La Paracha nous apprend donc qu’un mot est un mot. Qu’il ne faut pas promettre ni se promettre ce qu’on ne pourra tenir.  Qu’on n’a qu’une parole, et qu’il faut la tenir.

Le deuxième fondement que pose notre Paracha à l’instauration d’une société juste et durable, c’est le choix de la culture et de la transmission. Je ne parle evidemment pas de la culture qui est comme la confiture et qu’on étale pour faire beau, mais des valeurs subliminales portées par nos choix sociétaux, et qui seront en définitive ce que nos enfants retiendront. Cette question est au cœur de la discussion entre Moché et les tribus de Reouven et Gad.  Celles-ci, riches en bétail, convoitent les paturages situés dans les territoires justes conquis par Israel du côté Est du Jourdain. Moché est bien sûr saisi d’effroi à l’idée de se retrouver face à des Explorateurs bis, mais les deux tribus le rassurent. Ils participeront à la conquête d’Israel et avant cela, ils construiront des enclos pour leurs troupeaux et des villes pour leurs enfants… 

Reouven et Gad font ici un lapsus révélateur : le business passe avant la famille. Le troupeau avant les enfants… Alors Moché les corrige : vous construirez d’abord des villes pour vos familles et seulement ensuite des enclos pour vos troupeaux. 

La suite de l’histoire, les conséquences de cette erreur dans l’échelle de valeurs de ces deux tribus, on les mesure très vite. Dans la Paracha Massé, le Texte nous parle de l’établissement des villes de refuges. Six villes seront choisies à travers le pays pour qu’y soient protégées les personnes qui auront commis un meurtre non prémédité et non volontaire. Mais ce qui est interessant, c’est que 3 de ces villes couvriront le territoire des deux tribus de Reouven et Gad.  Autant que pour les 10 autres tribus. Pour les commentateurs, c’est justement parce que dans ces deux tribus il arrivait plus souvent des accidents mortels ; insidieusement, la primauté donnée par les pères aux affaires a laissé s’installer une vigilance moindre face à la vie d’autrui…

Le troisième principe fondamental que notre Paracha pose en préalable à la création d’une entité nationale, c’est la nécessité de penser collectif. J’ai déjà évoqué le cas des filles de Tselofhad, qui ont pu, grâce à leur force de conviction, hériter de la part de leur père en Terre d’Israël. Cette semaine, ce sont les membres de la tribu de leur père qui exposent leur souci : si les filles de Tselofhad épousent des hommes d’autres tribus, la terre de leur tribu s’en trouvera démembrée… Pour résoudre ce problème, elles devront épouser des proches parents ! Elles perdront en liberté de choix, mais c’est à ce prix que la cohésion nationale sera conservée… Cet épisode n’est pas juste une histoire d’héritage familial ; il est la preuve que le peuple a reçu le message du désert : au début étaient des noms, des hommes, des familles. A présent, nous avons un peuple dont les individus, même s’ils savent faire valoir leurs droits personnels, sont soucieux de l’intérêt général.

Le poids des mots, une échelle de valeurs solide et le souci permanent de l’intérêt collectif sont donc les fondamentaux d’une collectivité saine ; et aussi d’un couple durable et d’une famille heureuse…

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Sarah Weizman

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