Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Nasso / Mr Spock, Mr Maslow et Mr Cohen…

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La science-fiction n’est pas mon genre préféré. Ni en littérature ni au cinéma. Mais même si je n’ai jamais vu le moindre épisode de Star Trek, il m’est arrivé de voir des saluts vulcains, et ça m’a toujours interpelée. Il y a quelques années, un article du Figaro m’a enfin éclairée… : 

« Qui n’a pas essayé au moins une fois dans sa vie – avec plus ou moins de succès – d’écarter les doigts entre le majeur et l’annulaire afin d’imiter Monsieur Spock? Ce geste devenu célèbre à la fin des années 60 grâce à Star Trek et Leonard Nimoy a une bien toute autre origine que le simple salut vulcain. Le 2 novembre 2000, au cours d’une interview (…) l’acteur (…) a expliqué l’origine de ce geste si particulier : « Cela vient de mes racines juives. C’est un geste utilisé lors des bénédictions, dans les synagogues », a avoué Leonard Nimoy, qui malgré l’interdiction de regarder la cérémonie religieuse, a jeté un œil et découvert ce geste réalisé par cinq ou six hommes. Et d’ajouter : « Les Cohanim font ce geste pour bénir l’assemblée : c’est la forme de la lettre “shin”, dans l’alphabet hébreu. C’est la première lettre du mot “Sha-ddaï”, qui signifie “le Tout-Puissant” en hébreu. Ils utilisaient donc le symbole du nom du Tout-Puissant pour bénir la congrégation. Je l’ai vu quand j’étais gamin, j’ai appris à le faire et je m’en suis servi dans Star Trek ».

Nous savons que le geste que les Cohanim font pendant cette bénédiction leur est réservé et ne doit pas être désacralisé. Mais ce qui est intéressant dans cette interview, c’est à quel point l’acteur se souvient du moment de Birkat Cohanim, combien cela a marqué son enfance… Entre nous, quel enfant sous le Talit paternel n’a pas eu la tentation de jeter un coup d’œil pour voir ce qui se passe au dehors ? 

Au milieu des 176 versets que compte notre Paracha, la plus longue de la Torah, nous tombons sur un passage familier :

« L’Éternel parla à Moïse en ces termes : « Parle ainsi à Aaron et à ses fils : Voici comment vous bénirez les enfants d’Israël ; vous leur direz :  « Que l’Éternel te bénisse et te protège !  Que l’Éternel fasse rayonner sa face sur toi et te soit bienveillant !  Que l’Éternel dirige son regard vers toi et t’accorde la paix ! » Ils imposeront ainsi mon nom sur les enfants d’Israël, et moi je les bénirai. » (Bamidbar VI, 22-27)

La Birkat Cohanim est une bénédiction qui nous est chère ; elle est très courte, mais c’est sa simplicité qui fait sa beauté, parce qu’elle porte en elle la quintessence de l’attention divine envers Son peuple.  

Alors quel est le contenu de cette Braha que les Cohanim récitent à certaines occasions et que nous leur empruntons quotidiennement dans notre prière le matin, ou quand nous bénissons nos enfants le Chabbat et avant Kippour ?

Trois versets : 

 « Que l’Éternel te bénisse et te protège !  

Que l’Éternel fasse rayonner sa face sur toi et te soit bienveillant !  

Que l’Éternel dirige son regard vers toi et t’accorde la paix ! » 

Vous connaissez peut-être la Pyramide des Besoins d’Abraham Maslow, un psychologue juif américain qui en 1954, hiérarchise en 5 niveaux de besoin les motivations et les désirs des hommes, une théorie sur laquelle se fondent de nombreux économistes et managers. En 1972, Clayton Alderfer la condense en 3 besoins essentiels (ERG) : les besoins d’Existence, les besoins de Relation, et les besoins de Croissance ou d’Élévation (Growth en anglais). 

L’histoire ne dit pas si Maslow et Alderfer ont étudié nos Textes, mais déjà au XVème siècle, l’auteur du Akedat Its’hak, Rav Its’hak Arama, explique ainsi la Birkat Cohanim :  ces trois bénédictions correspondent aux trois besoins essentiels de l’individu : les besoins physiologiques et matériels, les besoins psychologiques, intellectuels et spirituels, et le besoin d’une connexion avec D.ieu. 

100 ans plus tard, Sforno va plus loin en écrivant que les besoins auxquels fait référence la première bénédiction, c’est à dire les besoins matériels et la sécurité sont une condition préalable pour être capables de combler les besoins spirituels de la seconde bénédiction. « Sans pain, pas de Torah… ». 

Toujours dans la lignée de Maslow, un autre psychologue et économiste américain, Frederick Herzberg théorise les choses ainsi : l’homme est mû par deux mythes fondateurs ; le mythe d’Adam (échapper à la souffrance, les besoins de subsistance primaires) et le mythe d’Abraham : D.ieu l’a choisi et sa motivation est de réaliser sa destinée, d’accomplir ce pour quoi il a été choisi.

Mais la Paracha, elle, nous invite à plus encore : à la bénédiction d’Aharon qui, elle, est bien vraie et surtout pas un mythe … Et surtout, sa finalité n’est pas de comprendre le mécanisme des besoins du consommateur pour l’exploiter à des fins marchandes, mais bien au contraire, de déverser sur l’homme l’abondance des bénédictions et des forces divines pour l’amener tout en haut de la pyramide….

Le Rav Chimchon Refael Hirsch, il y a 150 ans, donne une dimension historique à la place de l’homme dans le monde ; demander à D.ieu de « faire rayonner Sa face sur nous », c’est lui demander de nous permettre de voir, à travers les événements Celui qui en est l’instigateur et de comprendre le rôle que nous devons jouer dans cette Histoire. La troisième bénédiction est le « Couronnement » des précédentes : le fait qu’Hachem « dirige son regard » sur nous, particulièrement sur nous parmi les milliards d’individus qui peuplent la planète, c’est la concrétisation-même de la rencontre entre le dessein divin et le comportement délibéré de l’homme qui choisit de suivre Sa voie. En fait explorer les 2 premières nous conduit à désirer la troisième. Si on use à bon escient les biens matériels et moraux dont Hachem nous aura dotés, quand Il nous aura révélé le sens de l’Histoire et de notre mission, la seule chose à laquelle nous aspirerons sera Sa proximité.  C’est là le but d’un véritable développement personnel dans l’esprit du judaïsme, et cette sérénité sera inévitablement une source d’inspiration pour la société qui nous entoure et une incitation à la paix. 

Vous me direz que tout cela est bien beau, et que tous, nous aspirons à la paix et à l’amour… Même et surtout les candidates à Miss France qui souhaitent tous les ans la « paix dans le monde »… Comment faire que ce ne soit pas éternellement des vœux pieux et vides de sens ?  

Avant de bénir l’assemblée, les Cohanim disent : « Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers, Qui nous as sanctifiés par la sainteté d’Aaron et nous as ordonné de bénir Son peuple Israël avec amour ».

De toutes les bénédictions que nous devons réciter dans une vie juive, (et il y en a beaucoup !) c’est la seule qui doit être dite « avec amour ». Mais dans notre cas, il y a une dimension particulière. C’est que le Cohen ne bénit pas de lui-même. Il est appelé à bénir par la communauté, et il doit s’annuler. Il n’est que le canal par lequel D.ieu va déverser Son abondance sur le peuple. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on ne fait pas passer un test au Cohen avant de le laisser dire la Birkat Cohanim. Peu importe son niveau d’étude ou de pratique, tant qu’il a les qualificatifs d’un Cohen, il peut bénir le peuple…. La seule condition, c’est qu’il aime sa communauté et soi aimé d’elle. Finalement, la définition de l’amour, c’est ce que D.ieu appelle les Cohanim à faire : renoncer à son individualisme et être conscient que nous ne faisons rien de nous-mêmes, ou par nous-mêmes, mais que nous ne sommes qu’un vecteur de transmission de l’influence divine…  

Les Cohanim rappellent aussi quand ils font cette Braha introductive que cette qualité d’amour, ils la puisent d’Aharon. Rav Abraham Weingort dans son ouvrage Lev Banim sur Pirké Avot relève que si Aharon est un amoureux de la paix, il ne la voit pas comme une grâce qui descend du ciel sur un homme passif mais cette paix, il la « poursuit ». Il la cherche activement et inlassablement, la traque, fait preuve d’inventivité pour la trouver. 

Et pourquoi son entreprise est-elle couronnée de succès ? Tout simplement parce qu’il la voit comme une mission au service du divin, il s’offre comme un outil à D.ieu et ne cherche pas à en récolter les lauriers… Un amour désintéressé.

C’est certainement la seule manière d’arriver à une paix juste et durable en chacun de nous, avec notre prochain, avec nos ennemis… C’est D.ieu Lui-Même qui la garantit !

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Sarah Weizman

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