Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Behar-Be’houkotaï / L’Histoire dans tous les sens

B

Avouons-le : cette semaine, nous avons tous passé beaucoup de temps sur les sites d’informations à attendre avec appréhension la décision de Trump sur l’accord iranien, à guetter les réactions du monde et les représailles des iraniens, à écouter les commentateurs politiques de tous bords nous donner leurs prévisions, et à trembler pour les habitants du Nord d’Israël qui sont aux premières lignes… En même temps, une rencontre au sommet entre Poutine et Netanyahou, le rapprochement entre les deux Corée. Le déménagement de l’ambassade américaine dimanche, à Jérusalem. Et le même jour, Yom Yerouchalaïm. 

Un vrai tourbillon politique et historique, où l’actualité immédiate, les gros titres et le sensationnel nous préoccupent au moment-même où la grande Histoire se fait devant nos yeux. 

Cette semaine nous lisons la Paracha Be’houkotaï en Israël et Behar-Be’houkotaï dans le reste du monde ce qui nous permet de retrouver le même rythme désormais.  

La lecture de ces Parachiot est trépidante, parce qu’avec le recul de l’Histoire, nous sommes frappés de voir que toutes les vicissitudes qu’a traversées le peuple juif au fil des siècles y sont annoncées avec précision. La gradation même des malheurs est détaillée, et il est vertigineux de constater à quel point tout s’est réalisé. Je vous invite à prendre le temps de les lire, même si c’est parfois dur, et forcement vous y verrez l’annonce des exils, des expulsions, des accusations fallacieuses, des massacres, des discréditations, de l’assimilation et de la destruction. 

Deux mots-concepts appellent une réflexion, thèmes qui sont repris à maintes reprises : ‘Hok et Keri. 

« Si vous obéissez à Mes décrets (‘Houkotaï) et observez mes commandements et les accomplissez ;

Je donnerai vos pluies en leur temps et la terre donnera son produit et l’arbre des champs donnera son fruit » (Vayikra XXVI, 3-4)

‘Hok, c’est un mot difficile à traduire. On le rapproche de la notion de décret ou encore, d’une loi supra-rationnelle. Ce qui signifie que contrairement à une Loi naturelle ou circonstanciée, la Torah est un ‘Hok qui porte en lui une dimension transcendante faisant fi des évolutions sociétales. Et c’est ce contrat que les enfants d’Israël s’engagent à respecter :

« Voici les décrets (‘Houkim), les statuts et les enseignements que D.ieu a donnés entre Lui et les enfants d’Israël, au Mont Sinaï, par l’intermédiaire de Moïse » (Vayikra XVI, 46)

Et tout est à l’avenant. C’est du donnant-donnant. Le contrat passé entre D.ieu et le peuple d’Israël exige que celui-ci respecte les commandements divins ; en échange, il bénéficiera de la sécurité sur sa terre « je ferai régner la paix dans le pays » (verset 6), du bien-être et de l’abondance matérielle. 

A contrario, le non-respect du contrat entrainera des punitions qui iront crescendo et font froid dans le dos… Et toutes les catastrophes seront dues à une cause : « Keri »

« Et si vous vous conduisez avec Keri avec Moi et refusez de M’obéir, J’ajouterai sur vous un coup – sept fois comme vos fautes » (Vayikra XVI, 21)

Chaque fois que la punition se fait plus forte, ce sera parce que le peuple se sera comporté avec Keri. A tel point que, prévient D.ieu, « Moi aussi Je Me conduirai avec vous avec Keri » (v. 24) et même avec « une fureur de Keri » (v. 28)

Ce terme interpelle tous les commentateurs. Si Rachi l’interprète comme désignant une façon occasionnelle de respecter les Mitsvot, le fait de les traiter de manière désinvolte ou un refus obstiné de se rapprocher de D.ieu, Ibn Ezra, Maimonide ou encore le Kli Yakar le rapprochent de la notion de hasard ou d’une compréhension « fortuite » de l’Histoire : le fait de ne pas voir dans les punitions et les malheurs qui touchent le peuple d’Israël une punition et un appel à la Techouva mais uniquement, une coïncidence ou le résultat logique de causes naturelles ou géopolitiques. 

Pour le Kli Yakar, en réponse à cette attitude du peuple d’Israël, D.ieu le livrera effectivement aux aléas de l’Histoire et à la logique géopolitique qui forcement abattra sur lui ses foudres. 

En somme, si nous sortons du contrat qui nous lie à D.ieu, nous sommes soumis aux forces de la logique et de la nature de l’Histoire, et nous en sortons perdants…

Et effectivement, on a bien voulu nous décourager au cours de l’Histoire… Le christianisme dès son début s’est construit sur la Théologie de la Substitution qui développait l’idée du rejet du peuple juif par D.ieu et de son remplacement par les adeptes de la nouvelle religion. Même la Torah devenait ancienne et était remplacée par un Nouveau Testament… 

Cependant, c’était mal connaître les Textes. Il y a, en conclusion de toutes les annonces angoissantes de la Paracha, une nouvelle rassurante : 

« Et pourtant, même alors, quand ils se trouveront relégués dans le pays de leurs ennemis, je ne les aurai ni dédaignés ni repoussés au point de les anéantir, de dissoudre mon alliance avec eux ; car je suis l’Éternel, leur Dieu !  Et je me rappellerai, en leur faveur, le pacte des aïeux, de ceux que j’ai fait sortir du pays d’Egypte à la vue des peuples pour être leur Dieu, moi l’Éternel. »  (Vayikra XXVI, 44-45)

Cette promesse, c’est ce qui va faire tenir le peuple juif dans les périodes les plus noires de son histoire.

Même si s’abattent sur le peuple d’Israël tous les malheurs et au plus profond de leur exil, jamais Il n’abandonnera l’alliance qu’Il a conclue avec eux ni ne les reniera. 

Nous sommes à quelques jours de Chavouot et de la commémoration de cette Alliance au Mont Sinaï. Chaque génération, chaque année, chaque jour, nous devons faire en quelque sorte un renouvellement des vœux auxquels nous nous sommes engagés ce jour-là.  Le Maharal, dans Tiferet Israël (Chap 32) met l’accent sur une dimension intéressante. L’Alliance du Sinaï, c’est le mariage entre D.ieu et le Peuple d’Israël. Le Midrach nous raconte que c’est par un choix délibéré que le peuple d’Israël a accepté son contrat de mariage. Pourtant, le Talmud (Chabbat 88 a) décrit une scène incroyable où D.ieu a levé la montagne au-dessus de leurs têtes et les a menacés : « soit vous acceptez la Torah soit ici sera le lieu de votre sépulture ! » Un mariage sous la contrainte, est-ce acceptable ? Et quel besoin y avait-il de les contraindre s’ils l’avaient déjà accepté de bon cœur ?

La réponse du Maharal, c’est qu’avant tout, c’est Lui-Même qu’Hachem contraint ici : puisqu’Il les a contraints à accepter ce contrat, Il se retrouve Lui aussi engagé dans le mariage et ne pourra jamais le renier : « ce lien sera obligatoire, et une alliance obligatoire ne peut être dissoute ou défaite ». Un engagement volontaire de la part des enfants d’Israël, après tous les miracles de la Sortie d’Egypte, ce serait une union libre qui pourrait être annulée à tout moment ; mais l’union de deux entités libres qui décident de se contraindre à respecter un contrat les oblige tous les deux à une fidélité absolue. Plus encore, avec cette « contrainte » que D.ieu rajoute à l’élan volontaire du peuple d’Israël au Sinaï, Hachem crée un lien indissoluble. Et même si le peuple d’Israël, humain, se laissera aller à des violations du contrat, Hachem ne divorcera jamais d’eux. Il s’y est obligé. 

Notre Paracha nous met en garde : nous ne pouvons pas nous permettre de prendre notre attachement à D.ieu à la légère ni de considérer Ses commandements comme optionnels. L’Histoire a un sens, dans tous les sens du terme, et même s’il est caché, nous avons une certitude : que jamais Hachem ne nous abandonnera et que parfois, Il nous envoie des sourires comme ce 7 juin 1967, 28 Iyar, quand le commandant des parachutistes Motta Gur, à l’issue d’une rude bataille, envoie au Chef d’Etat-Major de Tsahal le message suivant : 

« Pendant deux mille ans, aucun juif n’avait eu le droit de monter sur le Mont du Temple. Mais maintenant, vous êtes là, et vous avez rendu le Mont du Temple au Peuple Juif. Les battements du cœur de chaque juif sont tournés vers le Mur Occidental. Ce mur est de nouveau entre nos mains. Au cours des siècles, d’innombrables juifs ont risqué leur vie pour venir à Jérusalem, pour pouvoir vivre ici. Le Mont du Temple est entre nos mains. »

L’actualité nous balade dans tous les sens et elle est source d’angoisses et d’inquiétudes. Mais n’oublions pas que la grille de lecture, nous la possédons depuis ce fameux 6 Sivan 2448 quand nous avons reçu la Torah. Et que chaque semaine, étonnamment, elle nous délivre des clés de compréhension pour comprendre et réagir à notre quotidien…

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Sarah Weizman

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