Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

A’haré mot-Kedochim / Que répondre à la journaliste coréenne?

A

Tous les ans à Jerusalem, le jour de Yom Haatsamout, se déroule le Concours Biblique International des Jeunes en présence du Premier Ministre. Cet évènement est une tradition que beaucoup de familles regardent en direct à la télévision, l’occasion de tester ses connaissances aussi, et surtout, de mesurer à quel point les israéliens sont les plus forts en la matière, les lauréats de l’étranger restant le plus souvent au pied du podium…

Cette année, c’est Azriel Shilat, 15 ans, qui s’est distingué. Et qui a été félicité et interviewé avec un grand enthousiasme par une équipe de télévision …coréenne! A une journaliste israélienne qui s’étonnait de leur présence, l’intervieweuse coréenne a répondu: « Vous êtes une source d’inspiration pour nous. Nous voulons comprendre le lien qui vous unit à la Bible. Quel est votre secret…? »

Cette question, ils sont nombreux à se l’être posée au fil des siècles… Mark Twain, le fameux auteur des « Aventures de Tom Sawyer » s’étonnait déjà à la fin du XIXeme 

 siècle dans son essai « Concerning the jews »:

« Les Egyptiens, les Babyloniens et les Perses se sont levés, ont rempli la planète de bruit et de splendeur, puis se sont évanouis comme un rêve et ont disparu; les Grecs et les Romains ont suivi, ont fait grand bruit et ne sont plus; d’autres peuples ont jailli et ont tenu haut le flambeau pendant un certain temps; puis la flamme s’est éteinte et à présent ils sont dans la pénombre, ou ont disparu (…). Toutes choses sont mortelles -sauf le Juif; toutes les autres forces passent – il demeure. Quel est donc le secret de son immortalité? »

Je pense que la Paracha de notre semaine est la réponse au mystère du peuple juif. Elle nous en livre sa finalité et son essence.

Juste avant la Révélation du Sinaï, D.ieu pose clairement les termes du contrat qui le lie au Peuple d’Israel: « (…) vous serez pour moi un trésor parmi tous les peuples car la terre entière m’appartient. Et vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte (…) » (Chemot XIX, 5-6)

D’un côté, Hachem choisit le peuple d’Israel. De l’autre, ce peuple a une obligation de sainteté, de Kedoucha. La condition de l’élection, c’est la sainteté. Mais comment atteindre la sainteté? En vivant dans un ashram ou un couvent? En menant une vie d’ermite? En fuyant la vie matérielle, la bêtise des hommes? La sainteté est-elle une ascèse? Une contemplation? 

C’est dans notre Paracha Kedochim que nous avons la réponse. 

« D.ieu parla à Moché en disant : parle à toute l’assemblée des enfants d’Israël et tu leur diras : soyez saints car Moi, l’Eternel votre D.ieu, Je suis saint » (Vayikra XIX, 1-2) 

Ces versets nous apprennent beaucoup sur la vocation du peuple d’Israel.

Les commentateurs relèvent d’abord que l’injonction d’être saints, D.ieu demande de la transmettre au peuple rassemblé: hommes, femmes, enfants. Ce qui est quasiment unique dans la Torah. Rav Chimchon Rafael Hirsch insiste sur ce point: la Mitsva d’être saints oblige au niveau le plus supérieur de la perfection morale humaine. Et pour cela, elle s’adresse à tous, sans distinction d’origine, de catégorie sociale, d’âge ou de sexe. Tout le monde est égal devant cette exigence. Il n’y a pas de caste supérieure. Mais aussi, il n’y a pas d’échappatoire possible: si D.ieu l’ordonne à tous sans exception, c’est que c’est à la portée de tous…

Si cet aspect de la mitsva nous rassure quant à l’approche égalitaire de la Torah, il nous reste à définir ce qu’est la sainteté. Parce que pour notre esprit français, le saint renvoie à une transcendance. Chez les chrétiens, on devient saint après la mort…  On pense à des êtres éthérés, aux Tsadikim dont le niveau est inatteignable  pour le commun des mortels… Comment donc la mitsva la plus démocratique et égalitaire de la Torah peut elle s’appréhender alors qu’elle semble justement hors de portée? 

La réponse, c’est Kedochim. 64 versets, 51 commandements. Le record de Mitsvot au centimètre carré de texte… Et des mitsvot de toutes sortes, si nombreuses qu’on ne saurait leur trouver un dénominateur commun. Le respect des parents, le Chabbat, le Chaatnez, les lois agricoles, l’obligation de faire des reproches et de ne pas se venger, le respect de l’étranger et l’amour du prochain. Voilà ce qu’est la sainteté: être dans la vie terrestre et agir. 

Le contraste avec la première Paracha que nous lisons est saisissant. Ahare Mot, dans la continuité de la mort des fils d’Aharon, décrit précisément le service du Grand-Prêtre à Kippour.  Les fils d’Aharon, c’est justement ce que la Kedoucha, la sainteté, n’est pas. Comme pour dire que par leur mort, il a été fait la démonstration que l’extase et la recherche d’une proximité toute spirituelle au divin ne sont pas ce que D.ieu attend de nous. Alors cette proximité est encadrée et circonscrite à un moment précis, au service de Kippour. 

Mais D.ieu, en plaçant l’homme sur terre, veut qu’il se rapproche de Lui en phase avec sa propre matérialité, qu’il soit dans la vraie vie.

C’est pourquoi juste avant Kedochim, la Torah rappelle toutes les relations interdites. Rachi dit ainsi: « Soyez saints: tenez-vous éloignés des relations interdites et de la faute ». Le présupposé de la Kedoucha, c’est de s’éloigner du mal. Mais cela ne suffit pas, nous explique Nahmanide. On peut respecter tous les ordres de la Torah, manger Cachère, pratiquer le Chabbat et être encore à côté de notre vocation. Être saint, c’est tous les actes et c’est au-delà des actes. Ou comme le développe la Hassidout, c’est se sanctifier dans ce qui nous est permis. C’est profiter de ce monde que D.ieu a mis à notre disposition mais se restreindre. Être dans la maîtrise. Jouir des plaisirs permis de ce monde mais ne pas se lâcher.

Être saint, c’est finalement se conduire avec juste ce qu’il faut d’équilibre, de maîtrise, de retenue et de noblesse. Et c’est pourquoi notre Paracha ne s’en tient pas à une seule catégorie de commandements: le champs d’application de l’obligation d’être saint, c’est la vie entière. 

Alors que dire à notre journaliste coréenne? Quel est le secret du peuple d’Israel? Certainement pas le génie intellectuel, ni technologique comme veulent le penser ceux qui chantent le mérite de la start up nation… L’intelligence a été répartie de façon égale entre les peuples. La bêtise aussi d’ailleurs… Mais ce que les parachiot Ahare mot et Kedochim nous montrent, c’est que le secret, c’est la capacité à transformer l’extase, l’élan et la passion en actes concrets dans tous les domaines de l’activité humaine. Aimer D.ieu ne suffit pas pour être saint. « Aimer c’est agir » écrivait Victor Hugo. L’attachement à D.ieu demande d’agir et d’être transformé et affiné…

Finalement, le verset nous donne la clé ultime: « soyez saints car je suis saint ». Atteindre la sainteté n’est possible que parce que D.ieu est saint. Manitou, le Rav Léon Ashkenazi, définit la Kedoucha comme une unification des contraires. D.ieu inclut le monde et ses antagonismes. On a tendance à vouloir catégoriser les choses, coller des étiquettes et faire des choix radicaux. Pourtant, et c’est le travail que nous faisons sur nos Midot pendant la période du Omer, nous comprenons que la bonté extrême comme la rigueur extrême sont destructrices: c’est bien le point d’équilibre qu’il nous faut atteindre pour atteindre le 49eme niveau de sainteté, celui qui est préalable à l’accomplissement de la Torah.

Voilà peut être le secret du peuple d’Israel. Mais c’est un secret qui ne peut se partager: il demande à être vécu au quotidien et c’est un travail de longue haleine, aussi long que….la pérennité du peuple juif!

Tolstoï aussi s’était posé la question: 

« Qu’est-ce qu’un juif? (…) Un Juif est un être sacré qui s’est procuré un feu éternel du ciel et, avec lui il éclaire la terre et ceux qui y vivent. Il est le printemps et la source d’où le reste des nations ont puisé leurs religions et leurs croyances. »

Tout est dit, non? 

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Sarah Weizman

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