Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Tsav / Tsav ou le train-train du quotidien

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La Paracha Tsav est presque toujours lue le Chabbat juste avant Pessa’h (à part les années embolismiques) et de ce fait, elle est un peu bousculée par tous les sujets que nous devons aborder à l’approche de la fête. Ce Chabbat qu’on appelle aussi Chabbat Hagadol, les rabbins se doivent de rappeler aux fidèles les lois de la fête. On évoque aussi la Haggada, les messages de Pessa’h.  Ce qui fait que souvent, la Paracha et son contenu s’effacent devant l’actualité du calendrier.  J’étais aussi tentée de m’intéresser à cette actualité mais en lisant la Paracha, j’ai été rappelée à l’ordre. 

Son nom, Tsav, petit mais puissant, claque comme l’ordre qu’il décrit: « Le mot Tsav (« ordonne ») implique toujours une idée de zèle, pour maintenant et pour les générations à venir. Rabbi Chim‘on a enseigné : le texte incite à d’autant plus de zèle qu’il y a risque de perte d’argent (Torath kohanim). » (Rachi sur Vayikra VI,2)

Rav Morde’haï Eliahou ztsl’, voit dans ce Rachi un lien évident avec les préparatifs de Pessa’h: c’est une dynamique que l’on se doit d’adopter et aussi inculquer aux générations futures, un empressement auquel il faut s’astreindre à l’approche de la fête car il y a tant de détails à régler et parce que cela occasionne des frais importants… 

Encore plus; quand le mot Tsav introduit un commandement divin, il donne un indice aussi sur la manière dont il doit être reçu par ceux qui doivent l’accomplir; il ne peut y avoir de passivité mais, parce qu’il s’agit là de commandements qui touchent à l’intériorité de l’âme juive, nous dit le Rabbi de Loubavitch (Hamaor Chabatora, Vayikra , Tsav, I), cela va automatiquement générer un zèle particulier. 

Bien évidemment, les préparatifs de Pessah dont nous entamons la dernière ligne droite avec plus ou moins d’empressement ou de frénésie répondent à cette définition de commandement… Et ce n’est pas anodin si l’idée de la transmission aux générations futures est aussi évoquée dans ce genre de commandements, Pessah en incarnant l’archétype…

Cependant, si on reste fidèle à la suite du verset, la Mitsva que la Paracha introduit ici est celle du Korban Ola, l’Holocauste, dont le plus emblématique est le Korban Tamid, ce sacrifice bi-quotidien au Temple. 

Ce qu’évoque le Korban Tamid, c’est l’idée du rituel immuable, quotidien, répétitif. Il revient toujours, dans les jours simples comme dans les grandes solennités. Le Talmud insiste sur la centralité de cette stabilité dans le service divin: « Tadir vechééno tadir, tadir kodem »: les rites routiniers ont préséance sur les rites occasionnels!  (Bra’hot 51,b). 

On est toujours attirés par la nouveauté, et plus excités à faire ce qui est inhabituel et qui nous sort de notre quotidien. Pourtant, c’est précisément ce que la Torah met en exergue ici: l’enthousiasme, il faut le réserver aussi et avant tout à ce qui est permanent, parce que c’est le maintien de ce cadre qui permet à l’exceptionnel d’être sublimé. La nouveauté est séduisante mais réinvestir quotidiennement sa relation avec sa femme, son mari, ses enfants, ses proches, est le vrai challenge à relever…

La Paracha nous donne aussi à voir un autre aspect de ce travail. 

Tous les matins, le prêtre devait prélever des cendres de l’Autel des sacrifices et aussi, il fallait évacuer à l’extérieur du Temple le trop-plein de cendres. Entre ces deux opérations et avant l’évacuation des cendres, le prêtre changeait ses vêtements: « Il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’une règle de bonne conduite : Il ne faut pas qu’en retirant la cendre il risque de salir les vêtements dans lesquels il effectue constamment son service(…) C’est pourquoi « il revêtira d’autres vêtements, de moindre valeur (Yoma 23b) » (Rachi sur Vayikra VI, 4).

Je n’avais jamais remarqué à quel point Rachi nous donnait des leçons de savoir-vivre en matière vestimentaire mais ces dernières semaines, nous avons tous pu constater à quel point tout est dans les détails. Ici, l’accent est mis sur le fait qu’il est de notre devoir de s’habiller correctement et d’honorer les moments et les personnes par notre accoutrement. 

Le Rav Shimshon Raphael Hirsch pose un regard intéressant sur cette pratique. Si le service du Temple débute tous les matins par le prélèvement d’une partie des cendres de la veille, moyen de marquer la continuité entre ce qui a été fait et ce qui va advenir, l’évacuation des cendres, elle, marque l’obligation de renouvellement permanent dans la joie et l’enthousiasme. Les résidus du passé, du Service de la veille doivent être débarrassés pour laisser la place à un jour nouveau et vierge du passé. Et pour ce faire, le prêtre porte des habits de moindre importance, comme pour dire qu’il n’y a pas à s’enorgueillir de ce qui a déjà été réalisé car chaque jour nouveau exige de s’atteler à la tâche avec le même dévouement. 

Pessa’h, c’est aussi le moment où nous faisons le ménage dans nos maisons et dans nos coeurs, et pour cela, il nous faut revêtir des vêtements qui ne craignent pas les tâches. Mais ce travail préalable permet ensuite de recevoir une énergie nouvelles que nous allons inaugurer dans des vêtements de fête, de joie et gloire. 

Tsav, en magnifiant le quotidien et la routine, nous rappelle que c’est dans cela que se passe la transmission et que se prépare la libération. Parce que ce qui devient routinier devient une seconde nature, à nous de choisir les rituels qui nous définiront et après nous, nos enfants. Sur quoi mettons-nous l’accent? Quels sont les mots que nous répétons le plus souvent dans la journée? Sur quoi sommes nous intransigeants? A quoi employons-nous l’essentiel de notre énergie? 

Plus que les discours et les leçons, c’est cela qui forgera leur identité…

Je vous l’avoue quand-même, ce message de la Paracha a rencontré chez moi un immense écho parce que pour écrire ces quelques mots en dépit d’une grippe fort sympathique, j’ai dû m’accrocher avec force à l’obligation de maintenir l’habitude: finalement c’est elle qui nous porte de manière exceptionnelle quand on en a besoin!

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Sarah Weizman

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