Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Lekh Lekha 5780 / Le Olé et l’Astronaute

L

Cette semaine, avec Lekh Lekha, la Torah nous met sur les rails de ce qui sera notre Destin; l’émergence d’Avraham sur la scène de l’Histoire et son engagement à diffuser le message de D.ieu à l’humanité et à faire hériter de cette mission à sa descendance sont aux origines de notre condition aujourd’hui… 

Ce qui fait que si nous devions chercher ce que la Paracha a d’actuel, il nous faudrait la recopier en bloc et cela résumerait tout!

Mais je vais m’arrêter sur 3 points qui m’ont particulièrement parlé cette semaine. 

Avraham est le premier Olé ‘Hadach, le premier immigrant de l’histoire. Il fait sa Aliya sur ordre divin. En plein débat sur les politiques migratoires dans le monde entier, il est interessant que pour votre Paracha, s’installer en Israel n’est ni une émigration économique, ni un asile politique. On ne s’installe pas en Israel, mais on y « monte », on fait sa Aliya. Et ce n’est pas anodin… Si nous revenons aux origines de l’histoire, quelques versets avant la fin de Noa’h nous présentent la famille d’Avraham; et nous découvrons, au passage, un fait qui est souvent escamoté, écrasé qu’il est dans la Paracha Noa’h entre le Déluge et la Tour de Babel qui attirent toute notre attention: Téra’h, le père d’Abraham, avait déjà fui son pays, entrainant toute sa famille pour aller… vers la Terre de Canaan! Sauf qu’en chemin, ils ont trouvé un asile à ‘Haran et s’y sont installés… 

Quand D.ieu interpelle Avraham au début de notre Paracha, Il lui demande donc de poursuivre le voyage qu’ils avaient entamé, mais la motivation change. Lekh Lekha, c’est « va », mets toi en route, « lekha »: vers toi, ou pour toi. C’est dans ton interêt, tu as tout à y gagner. Au bout de la route, tu trouveras une Terre, mais aussi tu auras une descendance et du succès. Mais surtout, tu te trouveras toi-même, tu iras vers toi, vers ce que tu es vraiment. 

Avraham, et à sa suite, tout le peuple d’Israel, ne sont pleinement eux-mêmes que lorsqu’ils sont sur la Terre d’Israel. Une Terre qu’il faut parfois prendre de la hauteur pour voir sous son vrai jour….

C’est peut-être ce que s’est dit Jessica Méir, l’astronaute américaine qui tourne au-dessus de nos têtes en ce moment dans l’ISS. Vendredi dernier, elle a posté en direct sur Twitter des photos d’Israël vue de l’Espace avec une très émouvante dédicace à son père, un juif irakien qui avait émigré en Israël puis avait séjourné en Europe avant de s’installer aux Etats-Unis: « Le voyage de mon père autour du globe en tant que chirurgien depuis le Moyen-Orient, en passant par l’Europe pour finir aux États-Unis a été une source d’inspiration pour de nombreux membres de ma famille immédiate et élargie. #Le voyage » 

Voilà donc quelques clichés de cette Terre qu’Avraham n’a certainement pas découverte de cette manière au bout de son voyage… Quoique… Un petit clin d’oeil à notre astronaute est peut-être envoyé du fin fond des âges par le Midrash, qui nous raconte qu’après l’arrivée d’Avraham, D.ieu lui réitère la promesse d’une grande descendance, à l’instar des étoiles du ciel qui sont indénombrables. Et avant de faire cette promesse, 

Il le fit sortir dehors Littéralement : « Il le fit sortir hors de sa tente pour voir les étoiles ». Selon le midrach (Beréchith raba 44, 10, Nedarim 32a), Il lui a dit : « Sors de ton horoscope tel que tu l’as vu inscrit dans les astres, à savoir que tu n’auras pas de fils ! “Avram” n’aura pas de fils, mais “Avraham” aura un fils ! “Saraï” n’engendrera pas, mais “Sara” engendrera ! Je vais vous donner un autre nom, et votre destinée va s’en trouver changée. ». Autre explication : Il le fit sortir du globe terrestre et s’élever au-dessus des étoiles. D’où l’emploi du mot habèt (« regarde »), qui exprime l’idée d’un regard jeté du haut vers le bas (Beréchith raba 44, 12).

Avraham fut donc le premier astronaute de l’Histoire mais les images qu’il enregistra alors ne sont pas parvenues jusqu’à nous… En revanche, le message, lui, est passé 5 sur 5…. 

Et la rencontre entre Avraham et la Terre d’Israël va donc bien au-delà d’une opportunité géographique… Le Or ha’Haïm, Rabbi ‘Haim Ben Attar a des mots très poétiques pour décrire le lien unique qui lie le peuple d’Israel à la Terre d’Israel. Sur les mots du premier verset de notre Paracha « vers la Terre que je te montrerai », il écrit ainsi: D.ieu a laissé entendre qu’Abraham devrait s’installer en Erets Israel, un pays propice à la manifestation de la présence de D.ieu et aux personnes dignes de faire l’expérience d’une telle manifestation. Le Sifri (Bamidbar 35,34) indique que la manifestation (complète) de la présence de D.ieu dépend du peuple juif situé sur la Terre d’Israël. En conséquence, la signification du mot « je te montrerai » est à la fois: « je vous le montrerai le pays » et: « je vous montrerai au pays ». L’un ne réalisera pas tout son potentiel sans l’autre ».  Un peu comme un Shidou’h, D.ieu présente la Terre au Peuple d’Israel et le Peuple d’Israël à la Terre d’Israël. Si la fusion se fait, la Présence divine pourra y résider… 

Une fois qu’Avraham arrive en Canaan, il est dénommé Ivri, l’hébreu…  Celui qui vient de l’autre côté. Parce qu’effectivement, Avraham est un immigré… On lui rappelle toujours qu’il n’est pas un autochtone, qu’il vient d’ailleurs. Mais le Midrash pousse plus loin: Ivri, c’est surtout un marqueur de différence. « Il se tient d’un côté et tous les autres, de l’autre ». Annonciateur du destin ou de la mission du peuple d’Israel, l’Ivri, l’Hébreu est toujours autre, il va à contresens. On ne parle pas ici d’une originalité dont il faudrait se glorifier pour se mettre au-dessus de la masse. Mais du fait d’être conscient de qui on est et de garder notre identité… 

C’est un peu le message que j’ai essayé de faire passer à mes enfants ces derniers jours quand notre quartier s’est mis aux couleurs d’Halloween et que partout, les enfants déambulaient avec des déguisements effrayants. Parce que même si cette célébration n’est pas française et qu’elle est avant tout une importation commerciale des pays anglo-saxons, c’est l’occasion pour tous les petits voisins de notre quartier de sonner aux portes des maisons afin de  recevoir des bonbons… Je vous avoue que les premières années, j’ai bien pensé à en profiter pour refiler les quantités astronomiques (pour rester dans le thème) de bonbons que mes enfants ramassent à Simhat Torah, mais je me suis bien vite reprise en me disant que des bonbons jetés sur la Torah pour célébrer la vie et la sainteté n’avaient rien à voir avec la célébration des morts qu’est Halloween…. Voilà donc un moment parmi d’autres où la question de la différence est bien difficile à faire passer, surtout quand il s’agit de bonbons! Et pourtant… La journaliste Sivan Rahav Meir, dans un cours sur la Paracha de cette semaine, rapportait justement de témoignage de Steven Spielberg: « J’ai toujours voulu que nous aussi ayons des lumières de Noël devant la maison. . . Dans notre quartier, ils remettaient des prix aux meilleurs décorations lumineuses de Noël. J’ai demandé à mon père: « Papa, pourrions-nous, s’il te plaît, allumer quelques lumières? » Et il m’a répondu: « Non, nous sommes juifs. » Alors, j’ai supplié: « Peut-être pourrions-nous échanger la lumière blanche de notre porche contre des lampes de couleur? Et lui:  « Non! », et je continuais à essayer « peut-être que je pourrais l’échanger contre une lumière jaune? », mais il refusa catégoriquement en répondant « il n’en est pas question, de quelque façon que ce soit! »

Voilà certainement une définition assez claire d’une manière d’être Hébreu, Ivri. 

Il y en a une autre qui est indispensable, et c’est certainement la rencontre avec une autre protagoniste de l’identité hébreue, l’Ivrit, la langue hébraïque. C’est un aspect assez interessant de l’acquisition de cette identité, que la journaliste Guitel Ben Ishay du P’tit Hebdo évoque dans une interview au Studio Qualita que je vous recommande… 

 Pour elle, la clé de l’insertion et surtout, de l’expérience israélienne pour les Olim, c’est l’acquisition de la langue…

Et je la rejoins pour dire que c’est aussi la clé de l’expérience d’une vraie approche et d’une véritable étude de la Torah.

Pour reprendre l’idée du ‘Hazane de Lausanne, Zoltan Berkovits,  s’il est possible de traduire la Langue Sainte, il est impossible de traduire la sainteté de la langue… (in Sourire sacré, sacré sourire, Editions Lichma) Preuve en est la difficulté de rendre en français le titre-même de notre Paracha, Lekh, Lekha, une injonction à aller, à sortir vers…soi-même! Avec un petit crochet par la Terre d’Israël, par la Torah et son éclairage, pour y parvenir!

A propos...

Sarah Weizman

Ajouter votre (sur)commentaire

Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Articles récents

Commentaires récents

Archives

Catégories

Méta