Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Be’houtotaï 5779 / La paix papillon

B

Il y a des semaines où la Paracha nous demande un effort pour y trouver un écho à notre actualité. Mais cette semaine, nous n’avons pas à aller bien loin pour trouver le rapport… 

D’abord, nous sommes pendant le Omer. Une période qui est marquée par le deuil de l’épidémie qui a décimé les 24000 élèves de Rabbi Akiva à cause, nous dit la tradition, de leur manque de respect mutuel. Divisés par des tensions et des divisions idéologiques, la tragédie qui les emporta toucha de plein fouet les juifs qui restaient en Judée après la destruction du second Temple, lui aussi détruit à cause de la haine gratuite. 

L’actualité contemporaine nous expose aussi violemment à la dissenssion et la division; les élections européennes que nous venons de vivre révèlent un peu plus la fracture et la séparation entre les groupes qui composent notre société. Et c’est sans parler d’Israël, où les divisions et les positions sont si durcies qu’il va falloir retourner aux urnes, ce qui signifie encore plusieurs mois où chaque camps s’emploiera à accentuer ce qui sépare plutôt que ce qui rapproche… 

La Paracha Be’houkotaï s’ouvre sur la description d’une situation idéale, quand le Peuple d’Israel sur sa terre est fidèle à la loi de Dieu et en retour, vit dans la prospérité, la paix et la sérénité. 

Ce sont là les Bénédictions qui viendront en contrepartie de notre respect du contrat qui nous lie à Dieu depuis le Mont Sinaï. 

A l’inverse, et c’est décrit avec tant de précisions que cela fait froid dans le dos, si le Peuple d’Israel s’éloigne des préceptes divins, la punition est graduelle mais terrible: le peuple juif est expulsé de sa terre et subit les vicissitude de l’exil. Avec le recul de l’Histoire, nous savons que ces malédictions se sont réalisées, et même en détail… Rien de plus clair… 

On pourrait étudier ce long passage pour en tirer les clés de notre maintien sur la Terre d’Israel; mais je veux revenir sur les premiers versets de la Paracha. Un rêve. Qu’à notre époque, en dépit de tout ce qui peut nous sembler négatif, nous pouvons espérer toucher du doigt. Et pour cause: jamais, depuis 2000 ans que le peuple juif a été chassé de sa terre, il n’a eu l’opportunité de se redonner la chance de voir les promesses positives se confirmer jusqu’au bout: 

« Si vous obéissez à Mes décrets et observez Mes commandements et les accomplissez, Je donnerai vos pluies en leur tempête la terre donnera son produit et l’arbre des champ donnera son fruit. Le battage se prolongera pour vous jusqu’à la vendange et la vendange durera jusqu’aux semailles: vous mangerez votre pain à satiété et demeurerez en sécurité sur votre terre.

Je ferai régner la paix dans le pays, vous vous étendrez et personne ne vous effraiera; je ferai disparaître du pays les bêtes nuisibles et le glaive ne traversera pas votre pays. Vous poursuivrez vos ennemis et ils tomberont devant vous par l’épée »… 

(Vayikra XXVI, 3-7)

En résumé, ces quelques versets nous promettent déjà la prospérité économique et le bien-être matériel, la sécurité, la paix et la victoire sur les ennemis… 

Les bénédictions sont évoquées sur 11 versets, une pluie de bénédictions qui, contrairement aux malédictions qui couvrent 32 versets, ne sont pas détaillées. Elles sont infinies et ont des champs d’application variés… 

Si nous prenons les premiers versets, nous avons déjà là un tableau magnifique qui s’offre à nous: la bénédiction matérielle, les pluies en leurs temps (pas de dérèglement climatique donc) l’abondance (une production agricole fructueuse) , la stabilité financière (la start-up nation). Puis la sécurité. « Vous demeurerez en sécurité sur votre terre ». Les conditions de base de la Pyramide de Maslow, si on y réfléchit bien.

Mais arrive alors un verset, qui, même s’il nous parle et nous semble évident, suscite quand même bien des questions: « je ferai régner la paix dans le pays ». Ce verset est si important qu’il est repris comme une demande à D.ieu dans la Prière pour la Paix de l’Etat d’Israel. 

Pourtant, si, comme le verset précédent l’évoque déjà, on demeure en sécurité sur notre terre, pourquoi est-il besoin d’avoir une bénédiction pour la paix? Si nous sommes en sécurité sur notre terre, c’est que la paix règne?!

Pour Rashi, le Chalom, la Paix, c’est une valeur qui vaut l’ensemble des autres: « Peut-être direz-vous : « Il y a de quoi manger et de quoi boire, mais à défaut de paix cela n’a aucune valeur ! » C’est pourquoi il est écrit ensuite : « Je donnerai la paix dans le pays ». D’où l’on apprend que la paix pèse du même poids que tout le reste. De même est-il écrit : « Je fais la paix et suis le créateur de tout » (Yecha’yah 45, 7)». La Paix équivalent à « tout ». La Paix est donc la condition qui permet de bénéficier des autres bienfaits.  

Mais elle ne semble pas suffisante puisque il faut encore que D.ieu promette « vous poursuivrez vos ennemis ». Si il y a la sécurité et la paix, d’où sortent ces ennemis? 

Tout cela nous fait penser que la Paix de la Torah est bien plus qu’une vague idée utopique. Et c’est ce que les  commentateurs s’emploient à nous démontrer…

Le Or ha’Haim pose ainsi la question: pourquoi D.ieu nous promet la Paix alors qu’Il a déjà promis que nous serions en sécurité sur notre terre? C’est certainement parce que quand on parle de paix, on parle de la paix intérieure. Que le peuple ne soit pas divisé. Qu’ils soient unis par la paix et l’amitié. 

Nahmanide va dans le même sens: qu’il y ait la paix entre vous, que vous ne vous combattiez pas les uns les autres… Quand on parle de terre, ici, on parle du cadre national, et la « Paix dans le pays » c’est un peu comme la paix entre les composantes de la Nation, le fait qu’il n’y ait pas de guerre civile… Mais aussi, nous dit Nahmanide, la « terre » est aussi à comprendre dans ses frontières géographiques: D.ieu donne la bénédiction de la sécurité intérieure. Et que si il y a une guerre, alors elle se portera au-delà des frontières, en dehors  du territoire. A la différence du Or ha’Haim qui traduit plutôt « sur la Terre », espérant une paix universelle où plus personne ne se fera la guerre (parce que, dit-il, même une guerre qui ne nous concerne pas a des conséquences sur notre bien-être – écho à notre intranquillité quand des guerres font rage, même si c’est ailleurs), une vision certainement messianique, Nahmanide, dans une approche plus pragmatique, imagine que même dans un monde non idéal où la guerre est nécessaire, l’union du peuple le préserve d’avoir à mener les batailles à l’intérieur de son territoire…

Mais la paix, ce n’est pas qu’une réponse à l’insécurité qui vient des autres.  Chalom, c’est la paix, mais c’est surtout l’idée de complétude. Le Chalom, ce n’est pas la non-guerre mais plutôt, la capacité à voir l’autre comme un complément de moi-même. C’est certainement parce qu’il est si difficile d’atteindre cet état que chez les juifs, nous nous saluons en nous souhaitant Chalom; Chabbat Chalom.  Pas bonjour mais plutôt, le souhait du lien, de cette harmonie dans laquelle chacun trouve sa place. 

Les élèves de Rabbi Akiva sont morts parce qu’ils manquaient de respect l’un envers l’autre. Chacun pensait détenir la vérité universelle, pensait avoir compris l’enseignement de son maître de la manière la plus juste. Le Temple a été détruit à cause de la haine entre les gens. La destruction vient d’abord du manque de paix à l’intérieur du peuple…

Mais pour que ce soit possible, nous devons partir d’une paix encore plus intime; celle qui unit un homme et une femme. Une des plus grandes prières que nous avons au quotidien, une bénédiction que nous souhaitons à tous les couples le jour de leur mariage, c’est le Chalom Bayit, la paix du foyer. Parce qu’il n’est pas si facile de faire habiter des contraires, il est nécessaire de faire appel à l’aide de Dieu pour cela.

Mais au couple qui se tient sous la Houppa, on rappelle aussi sa responsabilité dans la recherche de la paix.

Le jeune marié brise un verre, en souvenir de la destruction du Temple. Parce qu’aucune joie ne peut être complète tant que le peuple juif n’est pas sur la terre, avec le Machia’h. Je ne sais pas si vous vous êtes déjà posé cette question, mais pourquoi un verre? Et pourquoi doit-on le briser? Et pourquoi spécialement pendant un mariage, et pas à une Bar Mitsva où à tout autre moment de joie? 

Parce que depuis que le temple est détruit, c’est le foyer juif qui est un petit temple au service de D.ieu. Et qu’au jeune couple qui se lance dans sa construction, on rappelle, que si le Temple de Jérusalem fut détruit à cause de la haine et la désunion, le leur ne pourra tenir que grâce à l’amour et la paix. Et comme le verre qui une fois brisé, ne peut plus jamais retrouver son état initial, les dégâts de la mésentente sont incommensurables… Une manière donc de le responsabiliser quant à la réussite de son projet personnel, mais aussi de lui faire prendre conscience qu’il contribue à une histoire qui le dépasse, qui concerne tout son peuple….

Mais pour ce faire, chacun des partenaires doit être en paix avec lui-même: pour être en harmonie avec l’autre, pour ressentir cette complétude, il faut être déjà en harmonie avec soi-même. Et ce travail d’harmonie, c’est justement, comme le dit le Rav Kook, l’union de tous les contraires, de toutes les valeurs. C’est le travail que nous faisons sur nous-mêmes pendant ces 49 jours de Omer où nous apprenons à travailler chacune des qualités qui nous animent, des traits de caractères qui peuvent être antagonistes et qui demandent à être affinés dans chacune le leurs nuances….

On part donc de l’individu, pour passer au couple puis à notre peuple; et au monde entier.

J’aime à penser que face à l’impuissance que l’on peut ressentir devant les menaces des ennemis, devant une ambiance délétère qui nous dépasse, on a toujours la possibilité de renverser la vapeur; par notre attitude personnelle, nous pouvons influer sur notre foyer, notre communauté, notre peuple, le monde… La paix papillon…

Chabbat Chalom!

A propos...

Sarah Weizman

Ajouter votre (sur)commentaire

Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Articles récents

Commentaires récents

Archives

Catégories

Méta