Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Tsav / Toda!

T

Tsav, dans la continuité de Vayikra, passe en revue et développe les sacrifices et les modalités de leur offrande. Des détails plutôt techniques et pas si simples à comprendre pour nous qui ne les pratiquons pas…  

Parmi les différents types de sacrifices, nous avons le Korban Chlamim. Difficile à rendre en français, il est « rémunératoire » dans la Bible du Rabbinat ou encore « offrande de festin de paix » dans le plus récent Houmach Artscroll… L’un le rapprochant du verbe lechalem, payer, comme l’entend Rashbam,  l’autre de Chalom, la paix, selon l’explication de son grand-père, Rashi.  

Quoi qu’il en soit, le Chlamim implique une certaine complétude (Chalem), et dans notre Paracha, on nous présente deux sortes de Chlamim: le Toda et le Neder ou Nedava. Le Toda, comme son nom l’indique, est un sacrifice de remerciement. Le second est le résultat d’un voeu ou d’un don. 

Je voudrais m’arrêter cette fois sur le Korban Toda, le sacrifice de remerciement. Parce qu’il est interpellant sur plusieurs points. Voyons d’abord le texte: 

« Ceci est la règle du sacrifice rémunératoire qu’on offrira à l’Éternel. Si c’est par reconnaissance qu’on en fait hommage, on offrira, avec ce sacrifice de reconnaissance, des gâteaux azymes pétris à l’huile, des galettes azymes ointes d’huile; plus, de la fleur de farine échaudée, en gâteaux pétris à l’huile. On présentera cette offrande avec des gâteaux de pain levé, pour compléter ce sacrifice, hommage de sa rémunération. On prélèvera un gâteau sur chacune de ces offrandes, comme tribut à l’Éternel; c’est au pontife qui aura répandu le sang du rémunératoire qu’il appartiendra en propre. Quant à la chair de ce sacrifice, hommage de rémunération, elle devra être mangée le jour même de l’offrande; on n’en laissera rien pour le lendemain. » (Vayikra VII, 11-15)

Le sacrifice de Toda, contrairement aux sacrifices holocaustes ou expiatoires, ne vient pas pas opérer une réparation ou obtenir un pardon. Il est un remerciement à D.ieu effectué, selon Rashi en reconnaissance pour un miracle dont on a bénéficié. Des situations de danger extrême dont on a été sauvé. Se fondant sur le Psaume 107, les Sages du Talmud (Bera’hot 54,b) déduisent qu’il faut apporter ce type de sacrifice dans quatre situations: après un voyage en mer, après avoir traversé le désert, une personne libérée de prison et une personne qui a guéri d’une grave maladie. 

Le Psaume 107 répertorie les cas où nous devons remercier D.ieu et les manières de le remercier. Il s’ouvre par le terme « Hodou », « remerciez » et le verset « Qu’ils rendent grâce (Yodou) à l’Eternel pour sa bonté, pour ses miracles en faveur des hommes! ». Hodou, Yodou, Toda. Face au miracle, il y a lieu de remercier. 

Alors comment remercier D.ieu? 

La première étape, c’est le sentiment de gratitude. Ce que l’on appelle la « Hakarat Hatov ». La reconnaissance. Ne pas considérer tout comme acquis, comme normal, comme dû. 

Ensuite, il y a le fait de dire. D’exprimer cette reconnaissance, de la formuler. C’est ce que précisent les versets du Psaume: « Qu’ils rendent grâce à l’Eternel pour sa bonté, pour ses miracles en faveur des hommes! Qu’ils l’exaltent dans l’assemblée du peuple, proclament ses louanges dans le conseil des anciens! » (Psaumes CVII, 31-32)

Enfin, nous avons le Korban Toda. Pas juste un sentiment ou des mots mais des actes. Une volonté d’exprimer sa reconnaissance en se rapprochant de D.ieu par une démonstration concrète. 

Les caractéristiques du Korban Toda nous renseignent sur son intention:

  • le Toda fait parti des sacrifices Chlamim, qui sont d’une sainteté « légère »: ils peuvent être consommés le jour où il sont offerts ainsi que la nuit qui suit et la journée du lendemain. Mais pour le Toda, à l’instar des sacrifices à la sainteté renforcée, il ne peut être consommé que le jour de son abattage et la nuit qui suit. 
  • Le Toda est accompagné d’une offrande de 4O pains de 4 sortes différentes, certains qui sont azymes, d’autres qui contiennent du levain et sont ‘Hamets. Cette quantité est exceptionnelle; de plus, c’est le seul sacrifice qui est accompagné de pains ’Hamets… 

Parmi les nombreuses explications qui sont développées sur ce sujet, nombreuses sont celles qui lient ces conditions particulières à l’intention du Korban. Exprimer sa gratitude à D.ieu pour Ses miracles devrait se faire chaque jour, à chaque instant. C’est d’ailleurs ce que nous exprimons le matin dès que nous ouvrons les yeux en disant Modé Ani, « je te remercie d’être vivant »… Mais à circonstances exceptionnelles célébration exceptionnelle: quand on est sauvé d’une situation de danger, la reconnaissance s’exprime par un sacrifice qui est l’émanation d’un sentiment puissant de rapprochement avec D.ieu. Mais ce ne peut pas rester une affaire privée. Nous devons partager le miracle et la joie avec du monde. Et c’est pourquoi, nous disent nos Sages, ce sacrifice est accompagné de 4O pains et doit être consommé rapidement: il oblige à inviter du monde et à partager avec ses amis cette prise de conscience de la bonté divine. D’où  l’idée de paix évoquée par Rashi: quand on est reconnaissant, qu’on l’exprime et qu’on le partage, on fait régner la paix en se rapprochant de D.ieu et de nos semblables. C’est un sacrifice qui contente tout le monde, qui vient du coeur, et cet amour unit tous les protagonistes. Exactement ce que nous ressentons lorsque nous participons à une Seoudat Hodaha, un repas de remerciement offert par une personne qui a vécu un miracle…

Les psychologues Robert Emmons et Michael Mc Cullough ont fait une expérience dans laquelle ils ont demandé aux participants de mettre chaque jour par écrit cinq choses pour lesquelles ils ressentaient de la reconnaissance. Pas forcement des choses fondamentales… Ils ont constaté que prendre une minute par jour pour réfléchir à cela avait eu des conséquences extraordinaires sur les sujets de l’expériences par rapport au groupe-témoin: une élévation du niveau de bien-être, les gens se sentaient plus heureux, plus déterminés, plus dynamiques, plus optimistes. Plus généreux, plus enclins à aider. Ils dormaient mieux faisaient plus d’exercice: quand on pense à toutes les raisons pour lesquelles ont devrait être reconnaissant, on se sent mieux. Et on s’ouvre davantage aux expériences positives… Un cercle vertueux qui impacte la personne elle-même mais qui l’ouvre aussi à tout son entourage. Voilà certainement pourquoi le Korban Toda est partagé avec tant de monde…

Nous avons dit qu’exceptionnellement, le Toda était accompagné autant de pain au levain que de Matsot. D’ordinaire, on n’offrait que des pains non ‘Hamets, non gonflés, en signe d’humilité… Ici, il faut aussi le ‘Hamets, symbole de l’orgueil et de la faute… Parce que l’homme qui est sauvé du danger a conscience d’une chose, et c’est ce que nous disons lors de la Birkat Hagomel:  « qui accorde des bienfaits à ceux qui ont démérité, pour m’avoir accordé des bienfaits… ». Ce que la personne offre, c’est en même temps le symbole qui représente ce en quoi elle a démérité et qui a entraîné cette situation de danger, le ‘Hamets, que la Matsa, le bien qui est arrivé… Une manière de remercier pour l’épreuve et pour le miracle, « pour la joie qui vient après la peur et le danger » explique le Rav Kook. 

Il y a dans le Toda une dimension supplémentaire: il est envisagé au futur: « on offrira ». Ce qui fait dire aux Sages du Talmud que c’est le seul sacrifice qui subsistera à l’époque messianique. On n’aura plus besoin de sacrifices expiatoires car l’homme ne fautera pas. Mais il recherchera en permanence un état de complétude et de rapprochement avec D.ieu et aura une conscience aigue des bienfaits dont il bénéficie… 

Dans le Toda, le sentiment de reconnaissance exprime une conscience puissante d’une nouvelle chance, d’un nouveau départ. C’est le Rabbi de Lubavitch, s’appuyant sur une remarque du Baal Hatourim, qui l’exprime ainsi. Le Tour, sur le verset « Tous les vivants te louent » note que « vivants », « ‘Hayim » est composé des accrostiches des cas qui nécessite un Toda. Ces cas rappellent des dangers de mort… Comment peuvent-ils être représentés par le mot ‘Hayim, la vie?  En fait, explique le Rabbi, tout comme dans le droit juif, si un contrat contesté est validé par le Tribunal, on ne peut plus remettre en question sa validité… Il en ressort que la mise en doute de l’acte a renforcé sa validité. Ainsi, quelqu’un dont la vie est menacée et qui est sauvé de cette situation voit sa vie encore plus renforcée. Sa vie n’est plus une vie toute simple mais une vie qui a connu des épreuves et des dangers et qui s’en est sortie… 

Une definition de la résilience, où les épreuves sont désormais le moteur et la force de celui qui les a surmontées. Et quand on prend conscience de cette force, on se sent « Chalem », complet et apaisé, et la gratitude envers D.ieu est décuplée… Toda!

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Sarah Weizman

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