Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Vayéra 5779 / #LaVagueAvraham

V

Après les violences contre les femmes, cette semaine, ce sont les violences adolescentes qui font les titres de l’actualité. En région parisienne, des règlements de compte entre bandes rivales ont causé des morts, et la diffusion d’une vidéo d’un ado menaçant sa professeure a libéré la parole des enseignants qui se livrent sur les violences qu’ils subissent et l’inertie de leur hiérarchie sous le #PasdeVague… Tout cela bien sûr assorti des inévitables débats sur l’échec du système éducatif, sur les causes de cette violence, sur le déficit d’intégration, sur les carences pédagogiques, sur le manque de moyens humains et financiers… Tout est vrai, tout se défend. Dans ce que j’ai pu lire ou entendre dans les médias,  on donne la parole à des syndicats d’enseignants, à des responsables de l’éducation nationale, de la justice. A des sociologues, à des psychologues.  Mais j’ai relevé que les grands absents du débat, ce sont les parents. Comme si la société était responsable de tout. Comme si elle occultait leur rôle dans tout ça. Ou comme si la société avait fait le deuil de la parentalité… Comme si cette question n’était pas au coeur de la vague… 

La Paracha fait toujours écho à l’actualité, voire même reflète ses préoccupations, et depuis la semaine dernière Avraham est le personnage central de notre lecture quotidienne de la Torah. Jour après jour, nous déroulons son histoire, ses épreuves, ses choix. Son élection. 

Rav ‘Hanan Porat, dans son ouvrage Meat min Ha-Or sur la Paracha, note que les trois premières Parachiot de Bereshit relatent trois tentatives de Genèse de l’humanité: Adam, Noah, Avraham. Les deux premières tentatives se soldent par l’échec des sociétés issues de ces hommes. Leur modèle ne prend pas… Dix générations après Adam, l’humanité est si pervertie qu’elle est emportée par le Déluge. Et les descendants du seul homme qui méritait d’être sauvé, Noah, vont aussi se méprendre sur leur position par rapport à D.ieu et aboutir à la Dispersion après la Tour de Babel. Avec Avraham, c’est un nouveau départ pour « tracer la route du Tikoun Olam, de la «’réparation du monde’ ». Avraham aura la charge d’initier un peuple porteur du projet divin, un peuple qui devra éclairer l’humanité toute entière… 

Mais qu’est-ce qui, chez Avraham, justifie ce choix divin? Pourquoi lui plus qu’un autre? 

Nous avons déjà vu la semaine dernière qu’avec Avraham, c’est la disruption dans le déterminisme qui éclatait à la face du monde; mais cela ne suffit pas à expliquer la raison de l’élection d’Avraham et surtout, le pari sur sa descendance… 

La réponse à cette question est donnée dans notre Paracha. Vayéra est si dense en évènements que ces versets pourraient passer inaperçus… Et pourtant, ils nous donnent une clé indispensable à la résolution de la question du choix d’Avraham par D.ieu…

D.ieu décide de détruire les villes de Sodome et Gomorrhe pour l’immoralité de leurs habitants. Mais avant cela, Il dit: 

« (…) « Tairai-je à Avraham ce que je veux faire? »Avraham ne doit-il pas devenir une nation grande et puissante et une cause de bonheur pour toutes les nations de la terre?Si je l’ai distingué, c’est pour qu’il prescrive à ses fils et à sa maison après lui d’observer la voie de l’Éternel, en pratiquant la vertu et la justice; afin que l’Éternel accomplisse sur Avraham ce qu’il a déclaré à son égard. » (Bereshit XVIII, 17-19)

Avec Avraham, D.ieu a choisi un « associé », un responsable vis à vis de l’humanité. Il l’associe à Sa décision , nous dit Rashi, notamment parce que : « Je l’ai appelé « Avraham », à savoir « le père d’une multitude de nations », et j’exterminerais ses enfants sans prévenir leur père qui est mon ami ? ! »

Avraham est donc l’ « ami » de D.ieu, mais il est aussi le père des nations. Et Rashi explique ainsi: D.ieu a choisi Avraham et l’a rapproché affectueusement de lui car Il sait qu’il enseignera à ses enfants: « gardez la voie de Hachem, afin que Hachem amène sur Avraham ce qu’Il lui a promis… ». [Ce n’est donc plus Dieu qui parle, mais Avraham.]  (…) (Beréchith raba 49, 4).

Pourquoi D.ieu choisit Avraham? Car c’est celui qui sera un père. Jusque là, les hommes qui se distinguent depuis la Création sont des individus dans leur époque. Mais Avraham va être celui qui mettra la parentalité au coeur de la vocation humaine. 

Le Rabbin Lord Jonathan Sacks résume ainsi les choses: « tous les évènements principaux de la vie d’Avraham – l’espoir d’avoir un enfant, la naissance d’Ichmaël, les tensions entre Sarah et Hagar, la naissance d’Its’hak et la Akeda, la ligature- tout cela tourne autour de son rôle de père. Le judaïsme, plus que toute autre Foi, voit dans la parentalité le défi le plus important à relever ». C’est précisément cette idée que développe le Rav Chimchon Refaël Hirsch dans son commentaire sur nos versets: « Ce n’est pas par égard pour lui, pour en faire peut-être un riche et puissant émir, que je l’ai élu, mais pour en faire justement le fondateur et l’éducateur de son peuple (…). En, effet, il doit réussir à réaliser le grand prodige pédagogique nécessaire consistant à implanter dans le coeur de son fils unique le principe spirituel et moral du futur peuple; de sorte que lorsque lui-même, l’aïeul, aura disparu, ses fils et sa maison après lui puissent se diriger d’après ce même principe, afin qu’ils vivent en conformité avec lui et le réalisent, et que ce principe soit perpétué par chacun de ses enfants… ».

Le choix d’Hachem, après les chances laissées aux modèles Adamique et Noahide, c’est la voie Abrahamique. Et ce ne peut pas être un « one shot » historique, ce choix doit pouvoir se perpétuer. La solution durable ne s’incarnera que dans celui qui mettra au centre de son expérience le souci de la transmission; celui qui sera père avant tout. 

En fait, dans ce retour à la genèse, dans ce remake des origines, nous retrouvons la vocation première de l’Homme. Quand D.ieu crée l’Homme, Sa première parole est de lui dire: « fructifiez-vous et multipliez-vous », et c’est la parentalité qui apparaît immédiatement comme essentielle. Avec Avraham, il ne s’agit pas juste d’un souci de perpétuation physique; il est celui qui éduquera, qui transmettra un message, des valeurs, un combat et une mission à sa descendance. D’où le nom que D.ieu lui donne: Avraham car Av Hamon Goïm, père d’une multitude de Nations. Et Avraham est bien le père de toutes les Nations monothéistes: plus de 80 pays chrétiens, 56 pays musulmans, un état juif, faites le compte…!

Dans notre Paracha, nous nous rendons bien compte que l’enfant est au centre de l’Histoire. Le Rabbin Sacks note justement que si Avraham et Sarah ont dû traverser toutes ces épreuves avant d’avoir Its’hak, si D.ieu n’a pas fait ce miracle plus tôt, s’ils ont dû passer par l’étape Ichmaël, par l’épreuve de la Ligature d’Its’hak, c’est aussi pour montrer, avec le premier enfant « juif » que tout enfant est un miracle. Que ce n’est pas automatique, ce n’est pas un droit. C’est pour faire prendre conscience de l’importance miraculeuse de l’enfant. C’est cette valorisation extrême de l’enfant et du rôle de parent qui caractérise Avraham et sa descendance après lui. 

Ce qui est intéressant chez Avraham et surtout quand on lit notre Paracha, c’est que s’il est choisi par D.ieu parce qu’il sera le meilleur pédagogue pour l’humanité, on est bien en peine de dire à quel courant pédagogique il se rattache; et l’on voit d’ailleurs très peu de dialogues entre lui et son fils. Par contre on le voit agir, exercer sa bonté, recevoir des invités, négocier avec D.ieu pour sauver Sodome et Gomorrhe, avoir des relation diplomatiques avec ses voisins. Il parle peu mais on imagine bien que les membres de sa famille le voient agir: sa vie, même dans les actes les plus triviaux est la démonstration de son message. Et c’est peut-être ce qui explique la réussite de son éducation: plus qu’un grand discours, les actes parlent d’eux-mêmes…

Si Avraham est celui qui montre que l’on peut et doit casser les déterminismes, il initie aussi une lignée de pères, de patriarches. C’est ce qu’on retiendra de lui: Avraham Avinou, Avraham notre père…

Et Avraham va faire des vagues… Avec Avraham, c’est le nouveau modèle qu’Hachem choisit pour l’humanité. Un modèle dans lequel les pères ne peuvent abdiquer ni démissionner. Il y a bien longtemps et encore aujourd’hui c’est une parentalité responsable qui est la clé d’une société fondée sur la « vertu et la justice »… 

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Sarah Weizman

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