Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Tétsavé / Anna Wintour et la Reine d’Angleterre

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Cette semaine, nous avons une Paracha très Haute-Couture. Pas seulement parce que nous sommes en pleine saison des Fashion Weeks, ni parce que la photo qui a fait le tour de la planète ces derniers jours est celle de la Reine d’Angleterre assistant à un défilé de la Fashion Week de Londres aux côté d’Anna Wintour, la rédactrice en chef du Vogue américain (celle-là même qui inspira le personnage principal du Diable d’habille en Prada…). La Reine d’Angleterre et la Reine de la Mode… L’une incarnant la continuité de la Couronne, l’autre, la vacuité de la Mode…

Tétsavé est riche en descriptions d’étoffes, de fils d’or, de pourpre, d’azur et d’écarlate, de pierres précieuses, d’enchâssement, de tissage et de sertissage. Nous sommes dans l’artisanat d’art, la richesse et la précision du vêtement. 

« Tu feras des vêtements de sainteté pour Aharon ton frère, pour l’honneur et pour la Tiferet » (Chemot XXVIII,2)

Le personnage central de notre Paracha est Aharon, le futur Grand-Prêtre; et ses descendants. C’est à leur intention que seront fabriqués les vêtements sacerdotaux, ceux dont ils se pareront pour exercer leurs fonctions au Michkan. 

A la question de savoir si c’est l’habit qui fait le Cohen, le Talmud répond: « Tant qu’ils portent leurs vêtements (de fonction), ils portent leur statut de prêtre. Quand ils n’ont pas leurs vêtements, ils n’ont pas le statut de prêtre (et donc ne peuvent effectuer leur service) » (Talmud Zeva’him, 17b)

Pourtant, la magnificence des habits du Grand-Prêtre contraste avec l’humilité qu’Hachem attend de Ses serviteurs.  Pourquoi tant de détails, de minutie, de richesse? 

Peut-être parce que le vêtement oblige envers l’extérieur et envers soi-même. 

D’abord, comme l’explique Ramban, comme les rois et les princes, le Cohen Gadol est en représentation; il doit impressionner par son apparence et susciter chez ceux qui le voient du respect. La beauté et la splendeur de ses vêtements d’apparat imposent distance et révérence eut égard à sa fonction.

Le Sefer ha’Hinouh voit plutôt l’effet produit sur celui qui porte le vêtement, qui l’oblige à incarner sa fonction: les actions de l’homme influencent son intériorité. Le port de ces vêtements d’apparat conditionne le Cohen, l’aide à se concentrer et à se consacrer corps et âme à son service. C’est la fonction des uniformes ou des dress-codes dans le monde du travail. L’homme s’efface derrière l’uniforme, il est au service de sa fonction. On ne se comporte pas de la même manière lorsqu’on est en jogging, en costume, en tailleur ou en robe de soirée. A l’approche du week-end, certaines entreprises tolèrent le Casual Friday, une tenue plus décontractée que le reste de la semaine. A l’inverse, on conseille aux personnes travaillant à la maison de se conditionner en s’habillant plutôt que de traîner en pyjama…  Le vêtement forge notre humeur; ou il est une émanation de celle-ci! Les acteurs aussi, pour s’habituer à jouer un personnage, répètent en costume, cela leur permet de se mettre en condition. 

Alors qu’on est dans le règne de l’individualisme, certains voudraient se défaire de ces codes qui peuvent être vécus comme des carcans ou des réminiscences du passé. On a pu voir récemment les remous que cette question a soulevés à l’Assemblée Nationale; son Président a fini par mettre en place un code vestimentaire pour les députés… 

Ainsi donc, le respect de l’uniforme est double: la déférence que doivent les hommes à celui qui incarne une mission supérieure, et l’exigence qui oblige l’élu à être à la hauteur de sa mission. Autant qu’il porte ces vêtements, ceux-sont eux qui le portent et le transportent. 

Mais il ne s’agit pas juste de cela. Le verset précise que les habits du Cohen sont « pour le respect et la Tiféret ». 

Le mot Tiféret est difficile à rendre en français car il renvoie à une multiplicité de sens. 

Tiféret, c’est une des 10 Sfirot, la 3ème des 7 Midot (mesures, littéralement; encore une question de mensurations!). Dans la Kabbala, les Midot sont les « vêtements » de l’âme, c’est à dire le moyen d’expression de celle-ci. Tiféret est la temporisation de ‘Hessed, la bonté, et Gvoura, la Rigueur.  C’est aussi l’expression de la Vérité. Comme l’explique le Rav Simon Jacobson dans son ouvrage sur le Compte du Omer, « le vérité fournit une image claire et objective de nos besoins personnels et de ceux des autres. Le déséquilibre entre l’Amour et la Rigueur est le produit d’une perspective subjective, donc limitée. Introduire la dimension de vérité, en faisant abstraction de nos préjugés, permet d’exprimer nos sentiments de la manière la plus saine. »

Un des vêtements du Cohen Gadol était le fameux ‘Hochen Michpat, le Pectoral composé des 12 pierres précieuses. C’était le vecteur par lequel D.ieu envoyait au Peuple d’Israel la réponse à certains dilemmes… Il tranchait et apportait la Vérité lorsqu’on la recherchait sincèrement. 

Tiféret, c’est aussi la Beauté: parce que la Beauté, c’est l’harmonie qui se dégage de l’équilibre entre les forces et de la Vérité qui s’impose. 

Les vêtements du Cohen Gadol le magnifient certes. Mais ils ne sont pas ostentatoires. Ils sont un respect de lui-même, de Celui qu’il sert, et de ceux qu’il sert. Ils sont réservés au Temple. Ils font partie du service divin, mais en même temps, ils sanctifient celui qui les porte. 

Dans le petit Michkan qu’est le foyer juif, c’est la femme qui endosse la fonction du Cohen Gadol. Comme lui qui allume quotidiennement la Menora, elle illumine la maison avec les bougies de Chabbat. Comme lui elle s’attache à préserver la sainteté et la pureté de la maison. La centralité du vêtement dans le service du Grand-Prêtre est aussi une spécificité féminine:« Toute resplendissante est la fille du roi dans son intérieur, sa robe est faite d’un tissu d’or » (Tehillim XLV, 14)

Le vêtement est un souci permanent pour les femmes. Un sondage de l’Ifop pour la Federation Française du Prêt-à-porter Féminin révèle ainsi que pour 80% des femmes, la mode est un plaisir et pour 50% d’entre elles, les envies de shopping sont permanentes. D’ailleurs comme leur sentiment de ne pas avoir quoi mettre, même si leur dressing déborde de vêtements. 

Là aussi, il s’agit d’incarner le personnage… L’habit fait le prêtre, il fait aussi la femme. 

Au fil de mes lectures sur la Paracha, j’ai trouvé cette idée passionnante exprimée par le Rabbin Jonathan Sacks: la Paracha Tetsavé met en avant Aharon, le grand-prêtre, en charge du maintien perpétuel et quotidien du service du Temple. Moché est absent ici. Lui qui représente le pouvoir séculier, la force politique, le discours  de l’idéaliste, le panache historique, s’efface devant la routine du Grand-Prêtre, le silence, la stabilité qui se transmet en héritage. Cette persévérance du quotidien, c’est elle qui assure la continuité du Peuple juif. 

Et c’est aussi celle assurée par les femmes dans le foyer juif. Quoi qu’il en soit, envers et contre tout, elles perpétuent la Tradition, transmettent la judéité et l’héritage de leur histoire. 

Pour revenir à notre photo de la semaine, Anna Wintour à côté d’Elisabeth II, ce qui saute aux yeux c’est bien l’oxymore entre l’éphémère (une mode en chasse une autre, et les fleurs de l’an dernier sont à jeter, ce sont les pois qui s’imposent désormais!) et la durée…  

Alors quelle femme veux-je être? Celle qui inspire le respect? Celle qui dégage une beauté harmonieuse? Celle qui sera has been dans un mois? Ou celle qui transcende le temps et traverse les saisons avec grâce? Quel sentiment veux-je créer chez ceux qui me voient? Quel message est-ce que désire envoyer? Et quel aspect de moi-même veux-je exhiber? A qui veux-je ressembler? Suis-je vraie dans l’image que je renvoie? 

Telles sont les questions que nous devons-nous poser devant les rayons de nos boutiques préférées, devant notre penderie, et devant notre miroir…

Car le statut de Grand-Prêtre, c’est « pour toujours, pour leurs générations de la part des Enfants d’Israël ».

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Sarah Weizman

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