Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Michpatim / #Balanceton*

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La semaine dernière, la Parachat Yitro nous a transportés très haut, au sommet du Mont Sinaï, pour une Révélation qui scelle le lien privilégié entre D.ieu et le Peuple d’Israel. 

Michpatim, nous fait redescendre sur terre. Riche de 53 commandements, notre Paracha aborde tous les aspects de la morale, du droit, de l’éthique, du culte. Si depuis le début du Livre de Chemot, la Torah s’emploie à nous proposer une vision, un idéal comme le développe le Rabbin Lord Jonathan Sacks (Grand-Rabbin de Grande-Breatgne),  Michpatim propose de passer à la réalisation. Cela passe par la mise en place scrupuleuse voire perfectionniste de principes qui vont embrasser tous les aspects de la vie.

En lisant cette Paracha, on ne sait où donner de la tête… On a l’impression d’une succession de lois sans lien entre elles et on s’accroche comme on peut aux commentaires pour tenir le fil conducteur, car il y en a forcément un. 

Deux versets ont retenu mon attention cette semaine… Disons qu’il m’est arrivé plus d’une fois de sursauter en les lisant mais cette fois, peut être en écho à l’actualité, je me suis un peu attardée sur eux… 

« Et lorsqu’un homme séduira une vierge qui n’est pas fiancée, et qu’il cohabitera avec elle, doter il la dotera pour lui pour épouse. 

Si refuser, son père refusera de la lui donner, il pèsera de l’argent selon la dot des vierges ». (Chemot XXII, 15-16)

Il s’agit ici du commandement qui est fait au juge de juger le cas du « séducteur » de la toute jeune fille, nous dit le Sefer Ha’hinouh. 

Les commentateurs et Rachi à leur tête rapprochent ces versets de ceux de Devarim qui, eux, parlent du violeur: 

« Lorsqu’un homme trouvera une jeune fille vierge qui n’a pas été fiancée, qu’il l’attrape, il couche avec elle et qu’ils sont trouvés,

Donnera l’homme ayant couché avec elle au père de la jeune fille cinquante pièces d’argent, et à lui elle sera pour femme, puisqu’il l’a affligée, il ne pourra la renvoyer, tous ses jours ». (Devarim XXII, 28-29)

Nous n’abordons pas ici tous les détails de la loi. Mais ce que l’on voit, c’est qu’il existe deux catégories:  celle du « séducteur » et celle du violeur. 

Evidemment, avec l’affaire Weinstein et les hashtags #Balanceton* et autres, nous sommes tout de suite curieux de voir ce que la Torah pense du « séducteur » et du violeur… Et dans quelle catégorie nous rangerions tous les pervers qui illustrent les unes de nos journaux…

Quand on lit le texte, au premier abord,  il semble qu’y a une grande violence faite à la jeune fille puisque dans une situation comme dans l’autre, on a l’impression qu’elle est mariée au séducteur ou au violeur encore contre son gré, avec dans le second cas, l’impossibilité de divorcer. 

Ainsi donc, le séducteur serait récompensé, un peu comme dans certaines cultures où on kidnappe les filles pour se marier avec elles? Et la victime doublement punie? 

Mais cela, c’est seulement quand on lit le texte dans son sens littéral. Et la Paracha Michpatim est pleine d’illustrations de l’indispensable éclairage de la Torah Orale, du Talmud et des Commentaires pour comprendre ce qui pourrait être un contresens total de l’esprit du texte. 

Notre Paracha démontre par tous les moyens le lien privilégié et la protection particulière que D.ieu accorde à tous ceux qui sont ou qui se sentiraient en situation d’infériorité. L’esclave, le pauvre, la veuve, l’orphelin, l’étranger, l’être diminué, la victime… Et dans notre cas, il s’agit de définir le statut de la jeune fille victime du séducteur. 

Pour Ramban (Nahmanide, XIIIème siècle), la séduction, c’est la persuasion par le mensonge. « Celui qui incite une jeune fille à coucher avec lui influence sa volonté à répondre à son désir à lui par des mensonges et c’est ce qu’on appelle un séducteur ». En sorte, un beau parleur qui promet monts et merveilles à la jeune fille qui se laisse séduire et baisse la garde. 

Quelle est donc la loi? 

Les Sages expliquent que dans ce cas, le choix est laissé à chacun des protagonistes, l’homme, la jeune fille, et son père, de décider si la relation se conclut par un mariage. Si c’est le cas, le jeune homme dotera la jeune fille comme n’importe quelle fiancée avant de l’épouser. Dans le cas contraire, il devra payer une amende au père de la jeune fille pour couvrir le préjudice qu’il aura causé car désormais, la jeune fille ne pourra pas prétendre aux meilleurs partis, sa réputation étant entamée… Si cela nous semble difficile à comprendre, c’est que nous devons accepter l’idée que la Torah n’écarte pas d’emblée l’éventuelle complicité de la jeune fille qui s’est laissée persuader par les discours enchanteurs du beau menteur. 

Par contre dans le cas du violeur, le statut de victime de la jeune fille est reconnu sans équivoque. Puisqu’il n’y a consentement sous aucune forme, le violeur devra assumer la responsabilité de l’avenir de la jeune fille, et dans une société où cette fille pourrait être vouée à l’abandon et à la dégradation, il devra l’épouser et la traiter en épouse, si c’est ce qu’elle souhaite. 

Ce qui est intéressant dans l’analyse de Ramban, c’est sa contextualisation des deux cas. Le séducteur, pour lui, c’est le jeune homme charmant et charmeur qui veut séduire la belle jeune fille de bonne famille pour accéder à une classe sociale à laquelle il aspire d’appartenir. Et c’est pour cela que le sort de cette relation dépendra du bon vouloir de chacun des protagonistes; finalement, c’est aussi la décision de la jeune fille qui sera révélatrice de la manière dont elle aura vécu la chose: a-t-elle été victime de la manipulation ou est-elle, même a posteriori, complice de cette séduction? 

Pour le violeur, le jeune fille ne sera pas non plus mariée de force avec lui (comme ce peut être le cas dans d’autres civilisations) parce que, toujours selon Nahmanide, « les fils des puissants violent les filles de ceux qui leur sont inférieurs car ceux-ci n’ont aucun pouvoir contre eux. C’est pourquoi dans le cas du viol, il devra l’épouser contre son gré à lui. Et selon nos Sages, dans ce cas aussi, la fille ou son père peuvent refuser ce mariage, car il serait injuste qu’il l’épouse contre son gré à elle, ce qui la rendrait deux fois victime. Et il existe aussi des cas où c’est elle qui lui est supérieure… Il est donc juste et droit que la décision du mariage soit entre ses mains à elle et que si elle le décide, il doive l’épouser de force, pour que les filles d’Israel ne soient pas considérées comme hefker, (délaissée, sans protection) par les puissants »

Finalement, c’est l’analyse du statut de chacun au moment de l’acte, du lieu, du rapport de force, de la persuasion ou de la coercition qui permettent de définir si il s’agit d’une « séduction » ou d’un viol. Aucun des protagoniste ne pourra faire l’économie d’examiner sa responsabilité dans ce qui s’est passé et aussi dans les modalités des conséquences de cet acte. Est-ce un lien qui sera perpétué? Indemnisé? 

Dans tous les cas, c’est à la victime que revient le mot de la fin et le pouvoir de décider du sort de l’accusé. N’est ce pas aussi une manière de la réhabiliter dans son intégrité de personne, sujet de ses choix et non pas objet ou victime de l’homme?

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Sarah Weizman

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