Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Toldot 5780 / Le puisatier infatigable

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Nous sommes depuis quelques semaines plongés dans l’histoire de nos ancêtres… Quand nous arrivons à Toldot, nous avons tendance à nous focaliser sur trois  évènements: la naissance des jumeaux Yaacov et Essav, la vente du droit d’ainesse par Essav à Yaacov qui est relatée en ouverture de la Paracha, et l’épisode de la bénédiction que Yaacov usurpe à Essav qui la conclut. Peut-être parce que depuis le Gan, les maîtresses s’en emparent pour tenir en haleine les enfants, avec ces histoires de frères, de jalousie, de gentil et de méchant, avec juste la part de mystère et de suspense qui permettront de rebondir la semaine prochaine sur la Paracha Vayétsé et la suite des aventures de Yaacov. Et il est vrai que ces deux événements sont des moments clés pour comprendre la suite de l’histoire, la petite et la grande… 

On pourrait voir cette Paracha comme une transition, dans laquelle Its’hak serait un passeur entre le père fondateur, Avraham et son fils Yaacov qui donnera naissance aux 12 tribus d’Israël. Mais ce serait ne pas rendre justice à Its’hak, en escamotant un peu son rôle alors qu’il est, au même titre que son père et son fils, l’un des Pères d’Israel. Ce que nous rappelons dans toutes nos prières que nous adressons au « D.ieu d’Avraham, D.ieu d’Its’hak et D.ieu de Yaacov »…

Et surtout,  ce serait passer à côté d’un des messages essentiels qui traverse notre Paracha et qui va bien au-delà… 

Toldot peut se traduire par « engendrements», « descendance », et la Paracha nous parle bien des enfants de It’hak et Rivka. Mais Toldot, c’est aussi « l’histoire », « la vie ». Cette Paracha nous présente la biographie de Its’hak; sa vie, son oeuvre. Il est présent depuis Vayéra, mais il n’est jusque là que le fils d’Avraham, l’héritier, celui qui est porté sur l’Autel, celui qui est marié avec Rivka. Puis, quand Yaacov occupe le devant de la scène, il s’efface, même si on sait qu’il sera encore en vie quand Yossef sera vendu par ses frères. 

On pourrait avoir l’impression que c’est un personnage passif, effacé. Mais le coeur de notre Paracha nous démontre précisément le contraire. Et ce, tout le long d’un chapitre, le Chapitre XXVI de la Genèse, encaissé entre la vente du droit d’ainesse et l’histoire des bénédictions. 

Un chapitre dont les enfants de Its’hak et Rivka sont complètement absents et qui nous relate comment, comme au temps de son père Avraham, une famine s’abat sur le pays et Its’hak envisage de se réfugier en Egypte. Mais D.ieu lui dit qu’il ne doit pas quitter la terre de Canaan, alors il va vers le pays des Philistins, une bande de terre se situant au Sud-Ouest d’Israel couvrant environ la région d’Ashdod et Ashkelon aujourd’hui. Avraham avait d’ailleurs conclu une alliance avec Avimele’h, son roi. Et, comme toujours avec Its’hak, cette impression de déjà vu, quand il demande à sa femme de se faire passer pour sa soeur, comme Avraham l’avait fait avec Sarah dans les mêmes circonstances…

Mais entre les lignes de ce qui semble être un bis repetita de la vie de ses parents, nous découvrons qui est Its’hak. Relisez le texte et vous verrez qu’il est amoureux de sa femme, qu’il est un entrepreneur florissant, un homme puissant avec lequel on veut faire alliance. Mais surtout, et l’objet de notre chapitre, c’est un creuseur de puits. Un puisatier. Alors certes, son père Avraham avait déjà creusé des puits. Mais, et notre chapitre insiste bien dessus, « tous les puits que creusèrent les serviteurs de son père, au jour d’Avraham son père, les Philistins les bouchèrent, les remplirent de terre ». 

Avraham avait voué sa vie à faire le ‘Hessed, à améliorer la vie de ses contemporains tant matériellement que spirituellement. Et il avait creusé des puits pour fournir de l’eau vive, « de l’eau de vie », de l’eau potable dans cette région désertique, une eau qui est aussi symbole de la Torah car « il n’y a d’eau que la Torah »… Mais malgré l’alliance qu’il avait contractée avec les eux, les Philistins rebouchèrent ces puits. Une chose incompréhensible! Pourquoi reboucher des puits qui apportent la vie et dont ils sont les premiers à bénéficier? 

Dans la Kabbala, les Philistins font ici le travail du Yetser Hara, un travail de sape. Le bien, ils ne veulent pas que les autres en bénéficient, même si eux-mêmes doivent s’en priver! Ce qu’explique le Radak: « ils disent: ni lui ni nous ne les aurons! ». Toute ressemblance avec des situations connues est tout…sauf fortuite!

Mais Its’hak ne se décourage pas… Il revient vers ces puits et les creuse à nouveau. Et il leur donne …les noms que son père avait donnés! Il ne cherche pas à laisser de trace personnelle, juste à consolider et à approfondir ce que son père a fait. Et malgré le comportement jaloux et haineux des Philistins, qui ne le laissent pas en paix en même temps qu’il cherchent toujours le lien et l’alliance avec le fils d’Avraham, il continue de forer. Il ne sera pas que puisatier mais aussi sourcier, il recherche infatigablement les sources d’eau et il creusera encore 4 autres puits, auxquels il donnera des noms révélateurs: Essek, parce que les Philistins se querellèrent avec lui a son sujet, Sitna, parce qu’ils cherchèrent à lui nuire, et Re’hovot (précurseur de la moderne Re’hovot )  « car maintenant Hachem nous a élargis, nous fructifierons dans le pays ». Et enfin, de dernier qui s’appelle Beer Sheva. 

Ce qui est interessant, c’est que Beer Sheva était jusque là ainsi nommée en souvenir de l’Alliance qu’Avraham avait conclue avec Avimele’h, Sheva renvoyant à Shevoua, la promesse. Mais désormais, le texte lui donne une autre valeur: « Il l’appela (le puits) Shiv’a. C’est pourquoi le nom de la ville est Beer Sheva jusqu’à ce jour » (Bereshit XXVI, 33) 

Avraham qui s’était donné pour mission de répandre la connaissance de D.ieu auprès de ses contemporains avait privilégié le lien avec les autres, et l’alliance avec Aviméle’h en est une illustration. Mais il ne suffit pas d’être dans cette générosité. La prodigalité ne garantit pas la fidélité… Its’hak, qui marche sur les traces de son père, ajoute une dimension particulière. Au delà de l’alliance qui crée du lien, il met en avant le chiffre Sept: c’est le septième puits d’eau vive, le septième accès à la Torah et à la connaissance de D.ieu qui est dévoilé ici. Et le chiffre sept renvoie toujours à la Kedoucha, à la sainteté. C’est le Chabat, le temps en dehors du temps, la spiritualité qui s’élève au-dessus de la matérialité. C’est cela, la touche personnelle que Its’hak apporte à l’édifice que montent les Patriarches. 

Pour la première fois, c’est Its’hak seul qui est au coeur de l’attention; on le voit agir et on découvre sa personnalité. Il n’est plus question de son père, ni de son frère, ni de sa femme, ni de ses enfants. 

Mais curieusement, juste après avoir précisé que le septième puits s’appelle Shiv’a, le chapitre conclut sur ces versets: « Essav était âgé de 40 ans, il prit pour femmes Yehoudit, fille de Béeri le ‘Hiti, et Bassemath, fille de Eilon, le ‘Hiti. Elles furent mécontentement pour Its’hak et pour Rivka » (XXVI, 33-34). Et immédiatement après, Its’hak souhaite bénir Essav – et on connaît la suite de l’histoire… 

Alors au début, on se dit: tiens, tout comme Its’hak a marché sur les traces de son père pour finalement imprimer sa propre marque, Essav imite son père! Comme lui, il se marie à 40 ans. Et comme lui, il s’intéresse aux puits. En fait, plutôt, il fait de sa vie un jeu de mots! Il épouse une Yehoudit, fille de Béeri: Yéhoudit (juive), la première juive de l’histoire? Et fille de Beeri? Un mot qui signifie « mon puits » pour rester dans le registre des versets précédents?  Mais, nous disent les sages, son vrai nom est Aholivama. Sauf qu’Essav qui est le roi des hypocrites, la rebaptisée de ce nom très Its’hako-compatible pour tromper son père sur ce qu’il est. Essav veut les attributs de son père mais sans faire le travail de forage et de recherche. Il est dans l’ici et maintenant et n’a ni le temps ni l’énergie d’attendre, de travailler. C’est ce qui le sépare de Yaacov dès le départ. Et ce n’est pas en changeant le nom de sa femme que les choses changeront. C’est pourquoi le chapitre finit en disant à quel point les épouses d’Essav sont une source de peine pour ses parents. 

Mais rappelons-le, Its’hak c’est l’homme de la Gvoura, de la rigueur, de la constance. Et creuseur de puits il fut dans un souci de fidélité à son père, creuseur de puits il est dans une continuité qui lui permet d’exprimer son caractère propre, creuseur de puits il restera dans son optimisme à vouloir chercher, au fond d’Essav, et en dépit de ce qu’il sait de son comportement, ce qu’il pourrait y avoir de positif. Its’hak est d’un optimisme forcené, et s’il veut bénir Essav, c’est qu’il a la conviction qu’en lui montrant de l’amour, il pourra le faire revenir sur le bon chemin… 

Le puits accompagne tous les moments fondateurs de la vie de nos ancêtres. C’est là qu’ils rencontrent leur épouse. Mais avec Its’hak, nous voyons qu’il n’est pas qu’un lieu de rencontre. Il est aussi le symbole du travail infatigablement optimiste de celui qui veut répandre le bien autour de lui. 

Cette semaine, j’ai rencontré une autre dimension de ce concept de forage…Au cours du Kinous Hachelouhim à New York, le jeune Chalom Hurwitz, le fils du Chaliah en Californie Yitzi Hurwitz qui est atteint de la maladie de Charcot et ne peut communiquer qu’avec les yeux a lu un message que son père lui a dicté : 

« Dans la Paracha  de cette semaine, la  Paracha Toldot, It’hak Avinou creuse des puits. Le Rabbi explique que creuser des puits est une tâche très importante, que c’est notre mission: éliminer les impuretés et atteindre l’eau douce profondément enfouie sous la terre. Il dit que c’est notre mission envers chaque juif: bien creuser, ne pas être impressionné par la couche extérieure, et y trouver l’étincelle divine. Ceci est vrai pour chaque personne, mais aussi pour chaque situation: il faut creuser et trouver dans chaque difficulté et dans chaque défi un sens. Ces derniers mois, j’ai appris qu’il n’y avait personne qui ne devait faire face à des difficultés. Mon épreuve est claire et visible, mais tous, nous devons faire face à des difficultés.  La mission consiste à creuser des puits, à découvrir qu’il s’agit d’un message de D.ieu, qui exige de nous que nous nous élevions jusqu’à des hauteurs insoupçonnées, et d’élever les gens autour de nous. Nous ne savons pas quels trésors sont cachés bien au fond ».

Chabbat chalom

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Sarah Weizman

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