Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Yitro / Un regard extérieur…

Y

Yitro. Tout ce qu’on a lu avant et tout ce qu’on lira après est là pour ce moment. Le révélation de Sinaï, le Don de la Torah. Le contrat qui lie à jamais le peuple d’Israel à son créateur. Notre raison d’être. 

Voilà donc les termes de cette Alliance qui va traverser les âges: 

« Désormais, si vous écoutez ma voix, si vous gardez mon alliance, vous serez mon trésor entre tous les peuples! Car toute la terre est à moi,  mais vous, vous serez pour moi une dynastie de prêtre et une nation sainte. » (Chemot XIX, 5-6)

Toute l’histoire des relations entre D.ieu et le peuple juif se lit et se comprend à travers les termes de ce contrat. L’élection d’Israel se trouve là. Son destin. Ses gloires. Ses vicissitudes. Son rôle. Son rapport aux Nations. Sa finalité.

Or, et c’est ce qui nous interpelle ici, de tous les évènements grandioses qui sont relatés dans notre Paracha, de toutes les notions religieuses, morales, philosophiques qui y sont révélées, ce que l’on retient comme titre, c’est un nom: Yitro. Pas Moché qui est quand même un personnage clé de cette Révélation. Pas le Sinaï, qui en est le lieu. Pas même la Torah, qui en est l’objet central… 

Mais Yitro. Le beau-père non-juif de Moché, prêtre de Midian, et qui est arrivé après tous ces événements, même si la Torah nous le raconte avant…

Pourquoi donc cette Paracha si importante s’appelle Yitro?  

Peut être parce que si dans cette Paracha sont posés les termes fondateurs de la destinée juive à travers le temps, ces termes la lient aussi à l’histoire des peuples: « De même serez-vous pour moi un trésor plus cher que les autres peuples. Mais ne dites pas que vous seuls m’appartenez, et que je n’en ai pas d’autres que vous ! » (Rashi sur les versets évoqués plus haut). 

Nous n’allons pas analyser ici la signification de l’élection d’Israel et de ce qu’elle implique pour ce peuple… Mais il est interessant que dès le début de cette Paracha, la Torah tient à montrer que notre histoire ne regarde pas que nous. Elle se déroule sous le regard des autres Nations, et nous ne pouvons nous envisager dans un isolement total, fut-il désertique…

Alors pourquoi Yitro? Pourquoi avons-nous besoin du regard de l’autre, de son impression, de son opinion? 

Disons que depuis la sortie d’Egypte, les enfants d’Israel sont dans le désert et  vivent dans une sorte d’autarcie. Ils ont aussi enchaîné des événements bouleversants et extraordinaires, ils en sont peut être sonnés ou alors il s’y sont habitués. L’arrivée de Yitro est un évènement interessant parce qu’elle va permettre de sortir de cet entre-soi et surtout, d’avoir l’expression d’un regard extérieur sur tout ce qui est arrivé. Nous n’avons pas les témoignages de correspondants étrangers ni les analyses d’observateurs internationaux sur les miracles de la Sortie d’Egypte. Mais nous entendons ici d’abord que Yitro est venu parce qu’il a entendu tout ce qu’a vécu le Peuple d’Israël… Il n’y avait peut-être pas l’autoroute de l’information, mais les nouvelles circulaient en ces temps-là! Et Yitro va poser un regard étranger, extérieur, nouveau et surtout objectif sur tout cela. 

L’arrivée de Yitro est donc un moment special parce qu’elle va permettre au peuple de mesurer le chemin qu’il a parcouru en si peu de temps. 

« Moché conta à son beau père tout ce que l’Éternel avait fait à Pharaon et à l’Egypte à cause d’Israël; toutes les tribulations qu’ils avaient essuyées dans le voyage et comment le Seigneur les avait protégés. Yitro se réjouit de tout le bien que l’Éternel avait fait à Israël, en le sauvant de la main des Egyptiens  et il dit: « Barou’h Hachem, qui vous a sauvés de la main des Egyptiens et de celle de Pharaon, qui a soustrait ce peuple à la main des Egyptiens! Je reconnais, à cette heure, que l’Éternel est plus grand que tous les dieux, puisqu’il a été dans cette circonstance où l’on avait agi tyranniquement à leur égard. » (Chemot, XVIII, 8-11)

Pour Yitro, Moché relate tout ce qui est arrivé jusque là. Quand on est dans le coeur de l’action, on ne prend pas toujours conscience de ce qui arrive. Mais là, ils font une pause et en même temps, la retrospective que Moché expose à Yitro fait prendre conscience de l’extraordaire de cette situation. Et d’ailleurs, la réaction de Yitro, certainement parce qu’il a le recul de celui qui découvre tout en même temps, c’est de s’écrier: « Barou’h Hachem! » Cette expression, que l’on répète à longueur de journée sans même penser à ce qu’elle signifie, Rabbi Papayas dans Sanhedrin (94,a) nous dit que c’est une disgrâce pour Moché et pour les 600000 hébreux qui ont été sauvés d’Egypte de ne pas avoir dit « Barou’h », jusqu’à ce qu’arrive Yitro et que ce soit lui qui le dise.

Prenons juste le temps de comprendre ce que signifie « Barou’h Hachem ». Souvent on traduit cette expression par « Loué soit D.ieu » ou « Béni soit D.ieu ». Mais le sens véritable, c’est que D.ieu est source de toute l’abondance et de toutes les bénédictions. 

Le Talmud, au traîté Brahot (54a) nous dit justement que c’est de la réaction de Yitro et de cette bénédiction qu’il a prononcée que nous apprenons l’obligation de dire la Birkat Hagomel. Cette bénédiction concerne les cas où l’on est sauvés de situations de danger, comme lorsqu’on traverse la mer ou le désert, ou lorsque l’on est guéri d’une grave maladie ou qu’on sort de prison… Des situations dans lesquelles ont pourrait à chaque fois trouver des explications logiques au miracle… Yitro est donc celui qui montre au Peuple d’Israel et qui proclame que ce n’est pas la peine de chercher à rationaliser leur histoire. Et lui, le prêtre de Midian, celui dont Rashi dit qu’il n’y a aucune des religions, aucun des cultes de son temps, qu’ils n’a pas explorés. C’est le spécialiste mondial de la recherche de la Foi et de la divinité qui s’exprime ici. 

Parfois, il y a besoin du regard extérieur comme révélateur de ce qu’on a devant les yeux. Ou comme le dit le Roi Salomon:  « Qu’un autre fasse ton éloge et non ta propre bouche; un étranger et non tes lèvres à toi. » (Proverbes XXVII, 3)

Mais chez Yitro, il y a encore autre chose du rapport ambigu des Nations par rapport à Israël. 

Le texte emploie un mot curieux pour décrire le sentiment de Yitro en entendant tous ces récits: Vayi’had. 

Pour résumer, les commentateurs y voient 3 acceptions:

  • La notion de joie (comme ‘Hedva en hébreu)
  • La notion de frissons, comme de la tristesse et du bouleversement
  • La notion d’unité (Y’hed): il s’est alors uni à D.ieu et s’est converti à la Torah

Chez Yitro, il y a autant de fascination que d’enthousiasme; mais il y a aussi, consciemment ou par réflexe, une prise de distance et une identification avec les Egyptiens. 

Cette idée est génialement formulée par Sforno, qui dit ainsi que Yitro « ne s’est pas réjoui de la destruction de l’Egypte comme il aurait été digne de l’être si il avait été avant tout soucieux de l’honneur et de la gloire de D.ieu; Mais il s’est réjoui du bien-être des Hébreux. Il se comporte comme une personne dont le coeur est touché par les larmes des oppressés »

Quelque part, Sforno met ici en lumière la motivation de l’identification de Yitro avec Israel: c’est un humaniste qui est touché par la détresse d’autrui avant tout, mais pas jusqu’au bout une identification au projet divin…

Si je voulais caricaturer par un analogique, c’est le respect absolu pour les juifs victimes de la Shoah. Mais un peu moins pour le projet positif du peuple d’Israël et pour son rôle à jouer sur la scène internationale… 

C’est cette tendance que Sforno décèle chez Yitro… une tendance somme toute très forte à notre génération… 

Mais nous ne pouvons résumer Yitro à cela. Yitro n’est pas qu’un regard extérieur. Il devient une partie de ce peuple…

Alors Yitro, c’est aussi l’apport essentiel et productif que la rencontre avec les Nations peut produire. Yitro n’est pas que dans la critique. Il s’implique… Enfermés dans leur réalité, Moché et les enfants d’Israël ne se rendent pas compte que leur système législatif et juridique est en voie d’implosion… Alors Yitro suggère une décentralisation, une répartition des tâches, une démocratie dans laquelle, j’ai fait le compte, plus de 12% des hommes ont une responsabilité dans le groupe. Il y a un tel maillage que tous ont accès à l’arbitrage, à l’écoute, et à la solution… 

Peut-être une suggestion pour notre débat national dont l’organisation semble ne pas convaincre tout le monde…

Chabbat Chalom

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Sarah Weizman

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