Un petit mot sur la Paracha לעילוי נשמת אבי מורי ראובן בן איסר ע״ה ישראליוויטש

Bechala’h / L’amour, c’est comme la Mer…Rouge!

B

Le Midrash Bereshit Rabba (68, 4) rapporte un dialogue savoureux entre une certaine « Matrone » et Rabbi Yossé ben ‘Halafta. 

Cette dame, une non-juive qui habitait le village de Tsipori en Basse Galilée, montrait un interêt particulier pour le judaïsme et venait consulter Rabbi Yossé ben ‘Halafta (un maître de la deuxième génération des Tanaïm qui vécut au IIème siècle) avec des questions philosophiques et théosophiques variées. Une vingtaine de ces discussions sont relatées dans le Midrash et on peut mesurer à chaque fois la pertinence de ses questionnements et la finesse des réponses de Rabbi Yossé. 

Cette fois donc, elle interrogea le Maître sur cette question existentielle: 

« En combien de jours D.ieu créa-t-il le monde? »

Rabbi Yossé lui répondit: « En six jours, comme il est écrit: « Car en six jours D.ieu créa le ciel et la terre » (Chemot XXXI, 16) »

« Et que fait-Il depuis ce temps-là »? demanda-t-elle.

Il lui répondit: « Il est occupé à assortir les couples: la fille de tel pour untel, la femme de tel pour untel, l’argent de tel pour untel ».

Elle répliqua: « Est-ce là toute son occupation?! Moi aussi je peux faire la même chose! J’ai tant et tant de serviteurs et de servantes, en un rien de temps je peux les assortir! »

Rabbi Yossé lui répondit: « Si cette occupation te semble facile, elle est dure (« kacha ») aux yeux de D.ieu comme la séparation de la Mer Rouge! »

Rabbi Yossé ben ‘Halafta parti, elle prit 1000 serviteurs et 1000 servantes, les aligna et dit: untel épousera unetelle et unetelle épousera untel! En une nuit, elle les maria tous…

Le lendemain, ils vinrent la voir, l’un avec une blessure à la tête, l’autre avec un oeil crevé, et le troisième avec le pied cassé. Elle leur dit: « Que voulez-vous? » et l’un répondit: « Je ne veux pas d’elle » et l’autre, « je ne veux pas de lui! ».

Immédiatement, elle fit venir Rabbi Yossé ben ‘Halafta et lui dit: 

« Il n’y a pas de D.ieu comme le vôtre. Votre Torah est vraie, belle et louable, tu avais raison! »

Rabbi Yossé lui répondit: « N’est-ce pas ce que je t’avais dit? Si cela semble facile à tes yeux, c’est pour D.ieu une chose difficile comme le fait de séparer la Mer Rouge! »

Faire les couples est donc une des choses les plus difficiles qui soient! Ceux qui s’essayent à présenter des célibataires entre eux en sont souvent pour leurs frais et aucune science, aucun programme de rencontre n’assure la réussite du couple… Il y a bien là quelque chose d’irrationnel, de miraculeux comme …la traversée de la mer Rouge!

Tous les ans, pendant la lecture de la Haggada de Pessa’h, il y a un moment où les matheux sont un peu favorisés: lorsque sont évoquées les plaies d’Egypte et la traversée de la Mer Rouge, on fait des calculs pour savoir quelles étaient les plaies et les miracles les plus forts. Pour résumer, selon les avis cités par la Haggada, la traversée de la Mer rouge était 4 ou 5 fois plus puissante que les autres plaies… 

Le fait de trouver son âme soeur est donc un miracle comparable au plus puissant de tous les miracles. 

Mais on ne peut évidement pas s’arrêter là… 

Au traité Sotah (2,a) nous retrouvons une discussion fameuse au sujet du «Zivoug » (la destinée, l’âme soeur), avec la question de savoir si l’âme soeur est décidée par D.ieu pour chacun avant sa naissance ou si le conjoint dépend du mérite et des actions de chacun. Ce n’est pas la question que je veux développer ici mais plutôt, l’enseignement de Rabbi Yo’hanan qui est cité dans cette discussion et qui dit, lui aussi, « qu’ils sont difficiles («Kachine ») à assortir, à marier, comme le passage de la Mer Rouge ». 

Rashi se demande pourquoi c’est précisement le Passage de la Mer Rouge qui est le symbole de cette difficulté. Ce n’est pourtant pas le seul miracle que D.ieu a opéré!

Et sa réponse, très brève, ouvre un monde: « c’est parce que (pour le passage de la Mer Rouge) les lois de Berechit ont été modifiées! »

En d’autres termes, dès la Genèse du monde, D.ieu instaure des conditions, des règles, ce que certains appellent la Nature. Au 3ème jour de la Création, les eaux sont rassemblées dans des mers et des océans, et la terre sèche apparaît. Et quand on traverse la Mer Rouge, le propriété de l’eau est modifiée, et pas que l’eau de la Mer Rouge: toutes les eaux du monde vont se séparer. Il y a là une démonstration universelle qui est faite: lorsque l’eau, l’élément originel par essence, s’ouvre, ce qu’on voit alors, c’est que D.ieu est vraiment le Roi du monde. 

Quel est donc le rapport avec le mariage? 

L’Ouverture de la Mer Rouge est abordée avec beaucoup de sensibilité et de profondeur par le Rabbin et chanteur Shlomo Carlebach.  Dans son ouvrage sur Pessa’h « Lev Hachamaïm », il explique ainsi: 

« Pourquoi faut-il que 40 jours avant la naissance, on proclame qu’untel se mariera avec untel? (..)

Quand le Tout-Puissant créa la Mer Rouge, il lui fixa une condition: viendrait un moment où elle devrait arrêter d’être une mer et aurait besoin de devenir de la terre ferme. 

Vous savez, cela est une idée très profonde. Parce que la force de changer, c’est une force qui vient du Ciel. Ce ne peut être le fruit d’une décision personnelle, après que l’on ait été créé. Ca vient forcement de plus loin, du moment où D.ieu nous a créé. Il n’y a que Lui qui puisse donner cette force, cette possibilité. Cette force appartient à la notion de l’ « ex nihilo », de l’instant qui précède juste la Création. 

Changer, c’est ce qu’il y a de plus difficile au monde. C’est pourquoi, quand un homme naît, D.ieu fixe déjà une condition, c’est à dire qu’il lui implante ce potentiel: tu te marieras avec ‘Hanalé, mais pour pouvoir te marier avec cette ‘Hanalé, il va falloir que tu changes un millier de fois… »

Shlomo Carlebach continue en citant un enseignement lumineux du Rabbi Aharon de Karlin: le Midrash nous rapporte de nombreuses discussions entre D.ieu et la Mer avant qu’elle accepte d’arrêter son cours pour laisser passer les Enfants d’Israël… A un moment, la Mer demanda à D.ieu de lui montrer ce peuple pour qui elle va devoir s’ouvrir… Alors D.ieu lui montra le Peuple d’Israel tel que son image apparaît dans les mondes supérieurs… Un peuple saint, pur, plein de grâce. Devant un tel peuple, la Mer ne pourrait que s’ouvrir! Mais quand la Mer vit ceux qui se tenaient à son bord, des esclaves épuisés et brisés, un peuple de gueux, elle refusa de faire un effort! Et il fut bien difficile de la convaincre que c’étaient bien ceux dont elle avait vu les âmes dans le Ciel…

« Vous savez pourquoi la Mer s’est ouverte? » dit encore Shlomo Carlebach « La Mer a vu les hébreux au bord de l’eau, sur la terre. Ils avaient été esclaves pendant 210 ans, et soudain, ils étaient devenus libres par la force de leur Foi. La Mer les regarda et se dit: si ils ont pu autant changer, pour eux, je suis prête aussi à changer ma nature. Dans le Talmud, il est écrit que se marier, c’est comme séparer la Mer Rouge. La difficulté de trouver l’âme soeur est la même que celle de diviser la Mer. Vous savez pourquoi les mariages échouent? Parce que les conjoints ne s’aiment à assez pour changer, pour transformer l’eau en terre sèche et la terre sèche en eau. Je voudrais nous souhaiter d’être toujours capables de changer pour ceux que nous aimons »!

Parfois, il est bien difficile de reconnaître la grandeur et la valeur exceptionnelle de la personne qu’on a en face de soi, parce qu’on est induit en erreur par son aspect extérieur, par les circonstances qui peuvent altérer son apparence et l’image qu’elle renvoie d’elle. 

C’est pourquoi, être capable d’abord de changer pour pouvoir construire avec l’autre et ensuite, de reconnaître l’autre tel qu’il est dans son essence céleste, cela relève du miraculeux et n’est possible que parce que D.ieu en a insufflé le potentiel à chacun dès sa naissance…

Dans une analyse publiée par le Cercle d’études biblique de la Présidence de l’Etat d’Israel, j’ai trouvé une lecture à laquelle je n’avais pas pensé de ce dicton talmudique: « Le Zivoug de l’homme est dur « Kaché » comme l’ouverture de la Mer Rouge ». Le Mot « Kaché », n’est pas à prendre forcément au premier degré, dans le sens de difficile (car, qu’est ce qui est difficile pour D.ieu?!) mais plutôt, dans celui de puissant. Cela renvoie à la force, à la puissance, au dégagement d’énergie que génère la rencontre avec ces concepts. On peut penser que le mariage est une chose simple, naturelle, évidente, qu’on pourrait même l’arranger et l’imposer, comme dans le cas de notre Matrone, mais pour D.ieu, le mariage est emprunt d’une telle force, d’un tel potentiel d’énergies et de réalisations qu’il n’est pas moins bouleversant et miraculeux, pas moins divin,  que le Passage de la Mer Rouge… 

La Traversée le Mer Rouge, contrairement à ce qu’on peut imaginer, n’a pas conduit le Peuple d’Israel d’une rive de la mer à son opposée… Ils ont fait une passage en arc de cercle pour se retrouver sur le même rivage. Et si nous imaginons cet arc de cercle, qui était divisé en plusieurs chemins, on comprend que ceux qui était plus près du centre avaient moins de distance à parcourir… 

Dans la recherche du conjoint et la création et la consolidation de notre couple, nous ne sommes pas tous égaux sur les efforts à faire et les distances à parcourir; mais chacun, en suivant sa route et en traversant sa mer, peut arriver à bon port, avec la bonne personne. Et alors, le « Zivoug » n’est plus difficile à trouver et à construire, mais il devient « Kaché », fort et puissant comme le roc, comme une arme capable de surmonter toutes les difficultés et surtout, d’entamer le voyage dans le désert, celui de la construction et de la consolidation que nous allons voir dès la semaine prochaine avec le don de la Torah…

Chabbat Chalom!

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Sarah Weizman

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